Tout le monde ne l'avoue pas mais on a tous une certaine fascination à l'égard des serials killers. En effet, il est toujours intéressant de se demander ce qui peut soudainement pousser un homme à commettre des dizaines, voire des centaines de meurtres sans jamais vaciller, sans l'ombre d'un remord, et à continuer à vivre son quotidien ordinaire juste après avoir commis ces actes inhumains. Beaucoup d'oeuvres se sont penchés sur le sujet ( films d'horreur, biopics, documentaires... ) mais aucun n'a aussi bien réussi à retranscrire la façon de penser d'un meurtrier psychopathe que le livre American Psycho, de Brett Easton Ellis. Le bouquin nous retranscrit avec une telle exactitude les tics maniaques de Patrick Bateman ainsi que ces crimes insoutenables qu'il en est parfois illisible, le lecteur étant soit ennuyé par les très longues descriptions du narrateur sur ses habits ou ses restaurants favoris, soit horrifiés ou dégoûtés lorsque le protagoniste parle de ses meurtres tous plus affreux les uns que les autres, en n'omettant bien sûr aucun détail ( j'avoue sans aucune honte que je ne suis jamais arrivé à lire le livre dans son entièreté ). Adapter cette oeuvre très malsaine était donc un pari très risqué, qui allait forcément demander aux scénaristes de faire quelques choix inévitablement controversés.


A l'instar du livre, nous suivons donc la vie de Patrick Bateman, un des nombreux "Yuppies" de Wall Street qui vit une vie à priori similaire à celle de ses collègues, dînant chaque soir dans un nouveau restaurant huppé et étant toujours à la recherche des objets les plus luxueux possibles afin d'épater son cercle d'ami dont le jeu favori est de chercher à savoir qui a la plus grande. Mais très vite, on se rend compte que le jeune cadre de 27 ans est peu fréquentable, cumulant des habitudes assez étranges et inappropriées puis commettant une série de meurtres de plus en plus violent. La représentation de Bateman est ici très réussie : le film nous fait très vite comprendre que le Yuppie tente d'exister dans ce monde dépersonnalisé en voulant que ses proches s'intéressent à lui en tentant de les impressionner avec ses objets tous plus chers les uns que les autres, sa position sociale ou encore avec sa culture musicale ( ce qui ratera quasiment toujours, ses interlocuteurs faisant preuve d'encore plus de luxe que lui ou n'en ayant juste rien à faire ). L'interprétation de Christian Bale donne ici toute sa saveur à ce personnage désabusé et solitaire, offrant un grand sourire hypocrite à ses pairs qui s'efface immédiatement lorsque ceux-ci détournent le visage. Cet acteur réussit donc à montrer la folie, le côté maniaque et jaloux du psychopathe grâce à son jeu inspiré. De plus, le film retranscrit bien l'absence de personnalité du monde de Wall Street et son matérialisme exagéré qui était aussi un des thèmes de l'oeuvre originale, aussi bien dans les dialogues ( la confusion des noms bien sûr, mais également le cadre qui veut réserver dans un restaurant malgré qu'il n'ait absolument pas faim ) que dans l'esthétique ( l'exemple le plus frappant sont les 2 halls quasi identiques où entre le protagoniste vers la fin du film ). Enfin, l'adaptation réussit à enchaîner quelques scènes d'anthologies ( le meurtre de Paul, la scène de la tronçonneuse, la première réservation au Dorcia ), qui sont encore une fois la plupart du temps une réussite grâce à l'interprétation de Bale.


Cependant, le plus gros défaut de ce film est qu'il ne va pas assez loin, à l'inverse du bouquin original. A part les 2 scènes que j'ai mentionnés plus haut, les meurtres sont très conventionnels : le spectateur lambda ne sera donc pas vraiment choqué ( on a souvent vu pire dans les récents films d'horreur et leur surenchère de gore ) et on ne pourra pas se rendre compte à quel point Patrick est dans un état de démence meurtrière. Lorsque le générique arrivera, il nous apportera donc un certain goût d'inachevé, on aurait volontiers suivi plus longtemps le serial killer pour savoir jusqu'où il aurait pu aller. De plus, certaines scènes n'apportent pas vraiment d'utilité au récit ( le passage de la boîte de nuit est un bon exemple ), sinon que pour confirmer que Bateman est bel et bien un meurtrier.


American Psycho est donc une adaptation assez correcte, qui dénature certes un peu la nature de l'oeuvre originale en lui enlevant son côté malsain mais qui retranscrit bien à l'écran son thème du matérialisme contemporain. Le film vaut pour ma part d'être vu pour ce choix de casting formidable qu'est Bale ( certainement le meilleur acteur de sa génération ) en Patrick Bateman !

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le 8 sept. 2016

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Donald Duck

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