Une lente montée de la tristesse

Une chronique de la triste vie d'Amin, travailleur immigré sénégalais, qui travaille en France depuis de nombreuses années sur des chantiers. C'est ce qu'est ce film, avant tout. Chronique axée sur son quotidien, son boulot, sa vie dans un foyer dirigé par une marchande de sommeil et ses trop rares retours au pays, où l'attendent femme et enfants. Des enfants qu'il ne voit pas grandir et une femme dont la vie sociale est évidemment impactée par le statut particulier de son mari, bienfaiteur qui n'est jamais là.


Pas de scénario trépidant, peu de rebondissements finalement, et cela donne un film qui dégage avant tout une impression de molle tristesse, qui imprègne peu à peu le spectateur d'une sorte de mélancolie irrépressible. La brève liaison d'Amin avec le personnage (très bien) incarné par Emmanuelle Devos n'étant finalement dans cette histoire qu'un élément de plus et non pas le thème central du film. On sait dès le début que cette romance est sans issue, tant ses deux protagonistes évoluent dans des sphères et dans des mondes différents. Ce qui ne manque pas d'en rajouter une couche en matière de tristesse. Ce sont finalement juste deux solitudes qui se vont se trouver à un moment donné, du fait du hasard.


Et la vie de Gabrielle ne transpire pas non plus franchement la joie et l'allégresse. Divorcée d'avec un gros connard, une fille pré-ado scotchée sur son portable, elle habite un pavillon dans une banlieue parisienne résidentielle pour classes moyennes et donne l'impression de s'emmerder ferme. On viendrait presque à envier les habitants du village sénégalais d'Amin ou ses collèges marocains, qui, en dépit d'une situation matérielle bien plus compliquée, ont l'air de s'amuser un peu plus souvent qu'elle, et trouvent au moins une raison d'être dans la solidarité. Tristesse et morosité, chez Gabrielle aussi, donc.


Tout ça donne un film sobre, bien réalisé et bien interprété (Moustapha Mbengué est très bon et possède une vraie aura sexuelle, lorsqu'il creuse sa tranchée dans le jardin de Gabrielle), mais avant tout ancré dans le quotidien et vraiment pas du tout chargé d'espoir. La contrepartie, inévitable, en étant une certaine platitude, notamment dans les dialogues et s'agissant du scénario. Ainsi qu'une forme de lenteur. Un film intéressant, pas vraiment exceptionnel mais pas un navet non plus, mais tout de même - vous l'aurez compris - franchement plombant. Avec une émotion qui se diffuse petit à petit, à la façon d'un curry, et culmine lorsqu'enfin se termine le film.

Marcus31
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vu au cinéma en 2018

Créée

le 15 oct. 2018

Critique lue 761 fois

8 j'aime

5 commentaires

Marcus31

Écrit par

Critique lue 761 fois

8
5

D'autres avis sur Amin

Amin
Cinématogrill
2

Amin antipersonnel

Philipe Faucon avait séduit l’académie des Césars avec Fatima, film court (1h13) centré sur le quotidien pas toujours rose d’une immigrée en France. Acteurs principaux non professionnels, caméra à...

le 28 sept. 2018

5 j'aime

2

Amin
Cinephile-doux
6

Loin des leurs

Dans les titres des films de Philippe Faucon, jusqu'alors, c'était les prénoms féminins qui étaient mis en avant : Sabine, Samia, Fatima. Amin, lui, est bien un portrait d'homme, immigré en France et...

le 5 oct. 2018

4 j'aime

1

Amin
Sabine_Kotzu
9

Beau et sans lendemain.

Amin, sénégalais, et Gabrielle, française, se rencontrent, s'ouvrent l'un à l'autre dans une curiosité bienveillante et s'aiment un court instant. Une intrigue simple, resserrée dans l'espace-temps,...

le 9 avr. 2020

3 j'aime

1

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

35 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime