Je me souviens avoir été fasciné en même temps que terrifié à la découverte de ce film, plus jeune, trop jeune sans doute. Son ambiance suffocante et crasseuse, sa peinture d’un monde en pleine déliquescence, rongé par une humidité vénéneuse : ce mal indicible et souterrain dont semblaient transpirer les murs, les êtres, les mémoires. Cette infiltration crasse qui en faisait se craqueler le papier peint, comme le Mal insidieusement perce l'épiderme de la vertu factice de la société.
Et le regard de cet enfant, à la fin, pointant d’un doigt accablant l’imposture de l’ange...
J’avais très peur en le revoyant de n’y voir qu’un vieil objet des années 80, avec sa patine criarde et branchée, la hantise de ne plus y trouver qu’un Fame en mode policier-occulte.
Soulagement : Angel Heart est toujours ce petit monument d’angoisse, un exemple de déroulement en spirale d’une enquête aux accents faustiens, emballée en film-noir moite et brumeux, cadencée par des interludes fantasmagoriques à la beauté effroyable et par le refrain jazzy de Girl of My Dreams que fredonne sans cesse Mickey Rourke, détournée en une ritournelle étrange et malaisante.
Parker soigne la reconstitution peu reluisante d’une Amérique des fifties, multiplie pernicieusement les détails (le diable est dans les détails, Polanski l’avait compris) pour mieux mettre en place son final implacable et déconcertant, à la fois ironique et tragique, lors duquel la confrontation entre Rourke et De Niro, tous deux géniaux, atteint son acmé.