Malgré ma méconnaissance de l'oeuvre de Tolstoi et cela à mon grand regret, je pense pouvoir affirmer que l'adaptation au cinéma par Joe Wright n'est pas vraiment à la hauteur de la qualité de l'oeuvre littéraire. Car pour critiquer Anna Karénine la question de l'adaptation est centrale ici : doit-on retranscrire l'ambiance et les valeurs propre à TolstoÏ et à son époque ou l'ancrer dans la réalité cinématographique d'aujourd'hui, la rendre plus accessible? Le second choix est un pari risqué mais c'est celui qu'à choisi Joe Wright, et c'est tout à son honneur. Malheureusement en regardant Anna Karénine on comprend que ce choix s'est mué en une volonté imperceptible de donner non des sentiments mais du divertissement au spectateur. L'idée n'est plus de se montrer inventif mais bien de faire rentrer le spectateur, alors client, dans les rouages d'une manipulation visuelle bien huilée, écarquillant les yeux de ceux qui si laissent prendre. Ce genre de film qui ouvre les bouches rondes des honnêtes gens prêt à avaler n'importe quel foutre alors qu'un simple regard incident sur un miroir leur ferait apparaître le zéro qu'affiche leur expression hébétée. Un zéro que mérite non pas le film (il y a toujours pire), mais bien la Focus picture pour avoir encourager une telle entreprise : essayer de se faire passer pour originale quand tout n'est que supercherie. Bien sur on me dira : quel mal y a-t-il à tromper les gens ? Après tout le cinéma n'est-il pas l'art du mensonge ?Mais qu'y a-t-il de plus énervant qu'un menteur qui joue mal son jeu ?
C'est là où Anna Karénine ne fonctionne pas.

On pourrait se laisser entraîner dès l'incipit dans cette sorte de valse tournoyante dans la Russie du Xxeme siècle et se laisser bercer, curieux de connaître le sort de ce couple fraîchement nouveau qu'est Anna Karénine (Keira Knigthley) et Alexis Vronski (Aaron Taylor-Jonhson). Il est clair que le réalisateur veut nous plonger dans la noblesse russe romantique et il ne lésine alors pas sur les moyens. Les décors et les costumes sont outrageusement somptueux, soutenu par des travellings et plans séquences plongeant l'action dans un univers de théâtre. Très vite, il paraît évident que si on veut supporter les deux heures de film il sera nécessaire d'être très ouvert et indulgent. Ouvert pour accepter cette mise en scène qui paraît à la fois très complexe et très originale : les personnages évoluent dans décors en continuel changement : des levés de rideaux successifs nous présentes des protagonistes passant d'un théâtre à l'autre. Indulgent envers un début de film étonnement inhabituel : tout va très vite et on glisse sur l'incipit dans une sorte de brume scénaristique très désagréable mais efficace. Tous les personnages sont présentés successivement et l'intrigue est placé : histoires de couple, résolution de conflits amoureux et souffrances des passions seront les principaux thèmes abordés.

Ce début de film nous fait alors penser aux premières pages avant les pièces de théâtre : il indique les personnalités de chacun, les enjeux et les rapports de forces entre les personnages. Rapidement (trop rapidement : le dialoguiste devait bosser sur NCIS) on comprend que Anna va voir sa sœur Dolly , qui s'est fait tromper par son mari Stiva Oblonsky (Matthew McFaden) avec la gouvernante. Nous sont présenté M Karénine joué par Jude Law, le mari honnête et bienfaiteur, qui rejette cette idée de voyage car juge Stiva comme un traître. Ce voyage sera l'occasion pour Anna de rencontrer Vronski, le futur fiancé de sa jeune nièce Kitty (Alicia Vikander). Jusqu'à la scène dans le train l'incipit sera donc une sorte de grand plan séquence truqué au montage. Les chorégraphies calculées mélangeant jeux d'acteur un peu surjoué, musique tonitruante, transitions et fondus d'un décor de théâtre à l'autre, nous transportes. Mais pas sans un certain mal de mer. Les mises en abymes sont finalement incompréhensible et on est heureux au bout de quelques minutes de revenir à une linéarité reposante quand Anna est assis dans le train qui était, il y a quelques secondes avant, le jouet de son fils filmé en plan générale. Dans ce début de film, Joe Wright a fait passer son message : l'histoire se passera dans un monde où tout est comédie et faux semblant. Mais on découvre vite que le metteur en scène fait fausse route. Pourquoi fait-il donc ce choix énervant de représenter des scènes dans des lieux de théâtre, baladant ses acteurs entre les machineries et les cordages ?

Même si certaines scènes reste visuellement très belle et pourrait nous émouvoir (les plans où Kostya fauche ses cultures, Anna malade dans son lit sous les traits d'une Gorgone, la course de chevaux en plan ultra large) elles sont souvent mal soutenu par le contenu des dialogues et le film passe continuellement de scènes ultra kitch à des mise en abyme dans le théâtre. On peut alors voir des élipses affligeantes par leur grossiereté et une mise en avant de l'esthétique avant toute construction scénaristique logique. En s'éternisant sur l'aspect mélo-dramatique de l'histoire Joe Wright oublie même d'imposer un décors : aucune date ne nous ai donné, pas même un establishing shot sur Moscou ou St Pétersbourg nous est offert alors que les personnages ne cesse de voyager entre ces deux villes. Les dialogues soutiennent le romantisme et le chauvinisme des russes mais seul quelques plans d'extérieurs nous montre les campagnes, très furtivement. En se centrant sur la ligne artistique de décors – costume – pleurs, le réalisateur enferme lui-même le spectateur dans une incompréhension.
Heureux les simples d'esprit comme disait un groupe grenoblois, la beauté des images est là pour sauver la mise. Nan je déconne, le rendu baigne dans ambiance ultra kitch façon lessive Ariel : les couleurs sont saturés, pas aidé par les grossier costumes et les ralentis. Le pire du film est la scène où Anna et Alexis sont allongé dans l'herbe, tout deux habillé de blanc. Le visage juvénile de Aaron Taylor-Jonhson fait ressortir des yeux bleux étincelants, une chevelure blonde digne d'Ulysse tandis que Keira Knightley arbore un sourire Colgate des plus lamentable qui vous plonge dans le plus grand mépris envers son personnage qui devrait frémir de paradoxe et de douleur. D'un côté un bon comédien mais qui devrait faire attention à ne pas abuser de son physique Athénien – même remarque pour son jeux dans Savages d'Oliver Stone d'ailleurs- et de l'autre, une actrice mangeuse de graine qui sourit, pleure, puis sourit, puis repleure -pas la peine de s'attarder sur sa génialisme filmographie à celle là. Je vous laisse le plaisir de jouir de mépris sur la scène de fin digne des meilleurs Vache Kiri ou Caprice des Dieux (Jude Law porte un canetier : sublissime!).
Bref, ce serait se mentir que de dire que l'image est laide ou mièvre, ce n'est pas entièrement le cas dans ce film mais c'est l'approche pictural qui me déçoit un peu : malgré ces efforts de mise en scène et une lumière totalement maîtrisé, le film fait tout de même sensation de déjà vu et ma fait, à mon grand regret penser à Daronovski dans Black Swan. La qualité d'image est là mais on s'y ennuie vite, la composition des plans étant tellement surenchéri qu'on en oublie qu'on peut faire un film simplement. Joe Wright s'est donc, et je me répête, perdu dans une volonté de se surpasser oubliant que parfois on laisse les plans séquences à De Palma, Bava, ou encore Visconti.
Si encore, Anna Karénine était étoffé de dialogues profonds l'ennui que j'ai ressenti l'aurait été moins lui, profond. Mais Tom Steppard, bon scénariste qui a notamment collaboré sur Brazil n'a pas pu contrer un casting qui lui même patauge entre larmes et regards trop appuyés. Là où les sentiments devraient être subjugué le spectateur, là où le chauvinisme Russe de Gogol devrait être revendiqué, là où la passion de Dostoeïvski devrait être encensé, on ne trouve qu'un soupir de déception et la larme d'un bâillement qui coule au coin de notre œil.

Même si l'image en général ressemble à du Hugo Cabret sans onirisme et les déceptions pullulent le casting mérite un respect des plus encourant. Mise à part la performance de Keira Knightley qui reste médiocre, nous trouvons une Alicia Vikander moins crédible que dans Royal Affair mais convaincante dans son rôle d'amoureuse déçu, un Jude Law que je ne porte pas dans mon cœur mais qui maîtrise parfaitement un personnage vraiment pas facile à interpréter et Matthew MacFaden vraiment au niveau.
pier_karoutcho
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le 27 déc. 2012

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