La dernière adaptation en date du roman de Léon Tolstoï « Anna Karenine » date du cinq décembre dernier avec l’adaptation sur grand écran par Joe Wright. Il a choisi Keira Knightley pour incarner le rôle-titre. Ce n’est pas leur première collaboration. « Reviens moi » ou « Orgueil et préjugés » sont deux autres productions qui les ont vus travailler ensemble. Je n’ai vu ni l’un ni l’autre. Pour être plus précis, cet opus marque mon entrée dans l’univers du réalisateur. Ce sont des critiques élogieuses associées à une affiche que je trouve très réussie qui m’ont incité à tenter le voyage vers la Russie de la fin du dix-neuvième siècle.

Certains ne connaissent peut-être pas le fil conducteur de cette histoire. Il est relativement simple. Anna Karenine est l’épouse d’un haut fonctionnaire. Elle vit à Saint-Pétersbourg et profite pleinement de sa vie et de son fils. Au cours d’un séjour moscovite, elle y fait la rencontre de Vronski. Rapidement un désir réciproque nait. Il sera amené à se traduire par une liaison adultère qui ne laissera personne indemne dans leur entourage et dans la vie de chacun des amants… La trame utilise donc des ingrédients classiques. Le roman de Tolstoï en a fait une histoire légendaire. Qu’allait donc en faire Joe Wright ?

Anna Karenine a connu plusieurs vies dans le septième art. Le réalisateur se devait donc d’offrir une identité propre à son œuvre pour la démarquer et justifier cette énième version. Son choix est de donner l’impression que toute l’intrigue se déroule dans un théâtre. Qu’en passant d’un décor à l’autre ou en naviguant dans les coursives ou dans les cintres, on change de lieu, de protagonistes et d’ambiance. Les premières scènes génèrent des moments curieux qui attisent la curiosité. On se demande si le mécanisme original durera tout au long du film et s’il servira la narration. Franchir le pas d’une porte permet de passer de Saint-Pétersbourg à Moscou ou d’une chambre à un hippodrome. Les transitions entre les scènes sont réduites à néant et devraient ainsi faire naitre un rythme intense et soutenu.

Finalement, j’ai été assez déçu par cet effet narratif. Je trouve que la réalisation tombe finalement dans le gadget. Certains moments sont habiles mais trop souvent Joe Wright utilise et réutilise les mêmes recettes. Au mieux, il lasse et au pire il ennuie. Certaines personnes pourraient affirmer que ce film regorge de véritables idées de cinéma sur le plan de la réalisation. Je ne peux pas le nier. Néanmoins, je peux affirmer que l’ensemble apparait lourd et dénué de toute finesse. Pour un moment de grâce, on subit bon nombres de longueurs sans émotion et recouverte d’une forte dose de vernis. Tout est appuyé. On déguste un gâteau qui est trop sucré. La recette était peut-être bonne mais les ingrédients sont surchargés. Le film dure un petit peu plus de deux heures. Je les ai senties passer. Plusieurs fois, j’ai espéré le dénouement arrivé.

Je me suis senti frustré car le destin dramatique de ce couple maudit est un nid à émotion. D’autant plus que je suis bon public dans le domaine. Vronski est joué par Aaron Taylor-Johnson. Je le trouve fade. On a du mal à croire que c’est lui qui représente l’objet du péché aux yeux de la belle Keira. Je ne dis pas qu’il ne possède aucun charme. Je serais de très mauvaise foi. Néanmoins, il est davantage proche du gendre idéal que de l’amant passionné. Cela met un bémol quasi irrémédiable à la force dramatique de l’ensemble. Les adeptes de l’actrice principale ne seront pas déçus. Le film est une ode à son encontre. On multiplie les plans sur son visage. Mais trop, c’est trop ! On n’arrive pas à y croire. L’ensemble manque d’émotion.

On en arrive à une cruelle réalité. On s’intéresse davantage aux personnages secondaires qu’au couple central. Le mari d’Anna est incarné par Jude Law. Ce personnage s’avère intéressant et chacune de ses apparitions réveille notre attention. De même, la relation entre Levine et Kitty nous captive davantage. J’ai d’ailleurs regretté que la place qui leur est consacrée soit si mince. La scène que je nommerai « des cubes » est, à mes yeux, la meilleure du film. Les nombreux protagonistes qui gravitent autour d’Anna et Vronski sauvent bon gré mal gré l’ensemble. Mais ils n’empêchent pas mon impression finale d’être très mitigée.

Vous l’aurez compris, je n’ai pas succombé aux charmes de « Anna Karenine ». Les choix de réalisation me sont restés trop hermétiques pour que j’arrive à quitter mon statut de spectateur pour m’immerger dans cet univers russe et tragique. Je ne vous déconseille pas de partir à la découverte de ce film. Il est suffisamment marqué par son style pour qu’il ravisse à certains autant qu’il m’a déçu. Bonne séance…
Eric17
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le 2 janv. 2013

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