Le réalisateur britannique d"orgueil et préjugés" prend le parti ici d’une mise en scène apparemment sophistiquée où les personnages ne sont que les acteurs d’une pièce de théâtre aux décors mouvants. Cette mécanique paraît au premier abord audacieuse mais se révèle très vite pompeuse et bien inadéquate avec le sujet. Ainsi, peut être cet effet aurait trouvé sa place dans une adaptation de Shakespeare, où les personnages, marionnettes de leur propre destin, se déplacent tels des acteurs sur une scène, mais ici elle est tout simplement vaine.

Mais voyons Tolstoï c’est le cœur russe ! La flamboyance des âmes libres féminines ! La désespérante humanité de tragédies habituelles, la pompe, le pourpre et l’étouffante chape de velours entourant la haute aristocratie russe du XIXème. Ici on se trouve nez à nez avec un vaudeville luxueux mais qui sacrifie le génie de l’écrivain au seul pouvoir d’un visuel clinquant.

Oui les décors sont somptueux, la photographie léchée, la musique à la hauteur…oui mais voilà une coque d’or vide n’en reste pas moins vide. Hormis quelques fulgurances que le film parvient à produire péniblement, l’ensemble est profondément ennuyeux. Jamais l’on n’éprouve quoi que ce soit pour Anna ou pour Karénine, jamais l’on ne ressent l’abysse humain et les vicissitudes propre au conflit d’un cœur. Le film fait en quelque sorte diversion, amenant notre regard à la surface par une série de tableaux confectionnés avec soin, mais sans intérêt puisque hors sujet.

Paradoxalement le film est ennuyeux parce que trop rapide, un rythme voltigeur où les plans millimétrés s’enchaînent rarement avec intensité. L’adaptation aurait mérité une lenteur, une pesanteur, une suffocation de certaines séquences pour faire vibrer les sentiments d’Anna plutôt que de l’enfermer derrière des rideaux de larmes ou des postures méditatives.

Dans cette partition (trop) maîtrisée les acteurs font ce qu’on attend d’eux, et cela en est désespérant. Keira Kgnithley peine à rentrer pleinement dans le personnage et ne l’attend que par petites touches, vagues étincelles d’un jeu qu’on aurait souhaité flamboyant.

Piètre adaptation donc, qui sanctionne l’ennui profond que l’on peut éprouver devant une composition technique de haute volée mais sans la moindre énergie vitale, sans le moindre souffle et dépourvu de cette âme slave à la beauté inouïe qui fonde l’œuvre universelle de Tolstoï.

Pauvre Anna…
Tom_Bombadil
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le 22 févr. 2015

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Tom Bombadil

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