Ant-Man, ça restera avant tout pour moi une histoire de « différends artistiques » comme Marvel Studios savent si bien étouffer, mais qui se sera un peu plus fait remarquer cette fois que les précédentes. Il faut dire qu’Edgar Wright est assez connu et apprécié depuis Shaun of the Dead et Hot Fuzz, qu’il était un des réalisateurs les plus talentueux engagés par Marvel, et surtout que le film ne se serait probablement pas fait sans lui. En effet, c’est Wright en personne qui est allé voir les pontes du studio pour leur proposer ce projet qui paraissait encore fou en 2008, mais qui représentait un rêve de gosse pour lui. Le deal indiquait apparemment que Wright était assez libre au niveau adaptation et timing, puisque le film était indépendant. Six ans et deux films plus tard, le scénario était bouclé en collaboration avec son éternel collaborateur Joe Cornish, mais côté Marvel un film indépendant du MCU ça ne plaisait plus trop. Wright refuse les réécritures qu’il estime nuire à l’esprit de son projet, le script est retravaillé dans son dos, il claque la porte. Après quelques semaines de casting et de rumeurs contradictoires, c’est Peyton Reed qui se retrouve à la barre, le réalisateur de Yes Man, ironie ultime.


Sur le blog, avec une seule image parce qu'il y a rien de beau sur Google


Difficile d’être enthousiaste après ça, et surtout d’aller voir le film sans penser à ce qu’il aurait pu être. Mais le grand paradoxe du film, c’est qu’il est aussi difficile de nier son capital sympathie, provenant en premier lieu du casting. Paul Rudd est parfait en Arsène Lupin raté et Michael Peña s’éclate totalement dans le rôle de Luis, ami de Scott Lang qui ne sait pas raconter comment il a obtenu ses infos de façon simple (dans des séquences très, très wrightiennes d’ailleurs). La dynamique du petit gang de bras cassés, sans révolutionner quoi que ce soit, est assez plaisante à voir, avec pour une fois dans un film Marvel des répliques assez bien senties et pas trop lourdes qui fusent. Au moins Michael Douglas n’a pas l’air d’être aussi perdu que Robert Redford dans le second Captain America, même s’il ne dégage pas grand-chose.


Au rang des défauts tellement récurrents qu’il devient aussi lassant d’en parler que de les voir, on classera forcément en premier un méchant insipide et creux, que l’on tente bien d’humaniser à quelques reprises avant d’envoyer tout à la poubelle pour le grand combat final à coup de lasers et d’explosions. En plus d’être juste inintéressant, c’est un décalque des méchants scientifiques/industriels que l’on avait déjà dans les Iron Man. Qu’on se comprenne bien, leur profession n’est pas le problème, les deux premiers Spider-Man de Sam Raimi voient le héros affronter deux scientifiques dont les expériences ont mal tourné, mais voilà ces personnages sont bien écrits. On a le temps de les connaître avant leur transformation, leurs motivations sont complexes et ils sont souvent tiraillés dans leurs actions. Ici la relation entre Darren Cross et son mentor Hank Pym a du potentiel mais n’est malheureusement que survolée avec une poignée de dialogues débités sans grand conviction.


Sans antagoniste un minimum charismatique et menaçant, comme peuvent en avoir Batman, Superman, Spiderman ou encore les X-Men, difficile de ressentir le danger, d’où un certain manque d’empathie qui revient régulièrement dans les productions Marvel (mais pas que). Un film qui en somme a tout pour attirer notre sympathie mais qui ne fait pas tellement d’efforts pour être mémorable, et on pourra difficilement en vouloir au réalisateur parachuté sur le projet qui semble dépassé par la tâche. Les pouvoirs du héros ont beau donner lieu à quelques scènes bien pensées, ils sont largement sous-exploités sur la durée du film, au profit de dialogues d’exposition plats et redondants et de fan-service dispensable (la dernière scène post-générique, humf). L’ombre de Wright plane sur les dialogues, les personnages et une poignée d’idées bien réjouissantes (la plupart spoilées par la bande-annonce), en plus de la bande de losers assez attachante suffisent à en faire un des meilleurs Marvel, ce qui est déjà pas mal après un Avengers 2 très oubliable. Et quand on voit que les frères Russo ont les clés des films les plus importants de la phase 3, on a encore plus envie d’apprécier cet Ant-Man, tout bancal qu’il était.


(oui la critique est un peu courte mais y’a pas non plus de quoi disserter celui-là, c’est plus facile quand c’est vraiment bon ou vraiment mauvais)

blazcowicz
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le 1 août 2015

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blazcowicz

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