Miracle Mile transpire par tous les pores les années 80. De l’immonde coupe mulet de Mare Winningham aux tenues Véronique et Davina du club de gym passées sous une foule d’effets visuels vulgaires et désuets, chaque image du film trahit son année de production. L’histoire se construit sur la fausse piste de la comédie romantique: un jeune homme (Anthony Edwards) récemment et furieusement amoureux rate son rendez vous et se retrouve en pleine nuit à prendre l’appel paniqué d’un soldat qui annonce l’arrivée imminente de missiles nucléaires. Le postulat de départ du film repose donc sur la croyance ou non en l’authenticité de cet appel, ce qui, pris dans son époque encore maintenue dans la paranoïa de l’équilibre de la terreur de la guerre froide, fait pencher la balance du côté inverse de ce qu’un regard contemporain pourrait juger. Personnellement, ce saut de la foi impossible (pas celui de croire à l’appel, mais celui de croire que la majorité des personnages y croient) m’a tenu quelque peu à distance de l’impact émotionnel de la montée en tension que le film développe par la suite. En revanche, cela m’a révélé sa nature théorique très riche. Le film m’est apparu comme une sorte de traité de l’absurde où chaque rebondissement, chaque choix de ton, semblent soumis à un hasard étouffant, à un destin dénué de sens mais implacable. L’absurde est traité à tous les degrés, de son impact comique au désespoir existentiel le plus total jusqu’à un final apocalyptique d’une noirceur rare.
Une image résume très bien le propos formel et thématique du film. Un des personnages secondaires (Mykelti Williamson) hébété d’un accident de voiture porte sa soeur agonisante dans le magasin qu’il a percuté en fuyant la police et pris dans un réflexe automatique tente de s’échapper par un escalator qui, en se déclenchant, se révèle tourner dans le mauvais sens. Pris dans un gag morbide autant que par le mouvement inéluctable de la fin de son existence, il finit par s’abandonner à l’absurde, le non-sens, accroché aux derniers sentiments qui lui restent, comme un dernier pansement, une dernière gesticulation avant de renoncer à l’illusion de la vie. Terrible image.
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