Schwartz,patron d'une librairie de Brooklyn en faillite,veut se refaire et a pour cela l'idée saugrenue de proposer à son ami Fioravante,un fleuriste lui aussi désargenté mais qui plait aux femmes,de se prostituer et de l'accepter comme mac.Leur petite affaire roule bien,jusqu'à ce que l'étalon tombe amoureux d'une de ses clientes.John Turturro,très bon acteur,apprécie comme nombre de ses confrères de passer occasionnellement derrière la caméra.Il s'agit là de son cinquième film en 22 ans,le premier datant de 92,et c'est un épouvantable ratage.Turturro,réalisateur et scénariste,s'est gauffré sur à peu près tous les plans."Apprenti gigolo" est sans cesse accompagné d'une atroce musique désuète,tandis que la photo,qui fait dans les tons jaunâtres,est complètement pourrie.Le film est une succession de scènes atones qui voient se débattre mollement des personnages sans profondeur à la psychologie absurde.Il y a donc des gens réduits à l'état de symboles usés,la MILF négligée par son mari et assoiffée de sexe,la veuve coincée qui reprend goût à la vie,la chaudasse déchaînée,l'amoureux éconduit,et des évolutions d'une rapidité surprenante.Fioravante ne souhaite pas devenir gigolo,il n'y a même jamais songé,mais il se laisse convaincre par son pote à une vitesse foudroyante.Tout comme Avigal,juive orthodoxe veuve d'un rabbin,abandonne brutalement les préceptes draconiens que sa religion lui impose pour accepter,sur les conseils de Schwartz,d'aller se faire tripoter par un inconnu dont elle refuse de serrer la main car c'est interdit par le dogme.C'est n'importe quoi d'un bout à l'autre,ainsi qu'en atteste le comportement des clientes du prostitué,qui payent pour se faire ramoner alors que ce sont toutes des beautés qui pourraient sans problème trouver un mec gratuitement.D'autant que le type est joué par Turturro en personne,qui n'est pas précisément un Apollon au physique à éblouir les donzelles.A ce sujet,le film rappelle énormément "Mauvaise passe",réalisé par Michel Blanc en 99,où l'on voyait Daniel Auteuil,autre "bellâtre irrésistible",devenir le tombeur tarifé de ces dames.Les séquences les plus loupées sont celles entre Fioravante et Avigal,qui constituent pourtant le coeur du film,leur relation semblant être ce qui intéresse particulièrement l'auteur.On ne comprend pas grand-chose à leurs atermoiements.Outre qu'il soit bizarre que la fille accepte de rencontrer cet homme,on ignore ce qu'elle attend de lui,pas plus qu'on ne sait ce qu'il compte faire avec elle.Le gars passe son temps à troncher de la belette,mais là on se contentera d'un massage.Bizarrement,la nana est contente et ils se revoient.Apparemment,ils tombent amoureux,mais finalement elle le laisse choir et choisit un autre mec,et on ne saura jamais si elle payait ses séances,ce ne sera pas précisé,vu qu'elle ne roule visiblement pas sur l'or.Tout ce flou et ces incohérences sont bien gênants,comme le manque de sensualité de l'ensemble.Etant donné le sujet,on pouvait s'attendre à un minimum d'érotisme,mais Turturro préfère rester dans les clous de la représentation hollywoodienne standard soumise à la pudibonderie.Ces insuffisances et ces maladresses flinguent un script qui avait pourtant du potentiel et soulevait des questions pertinentes,telles que la dimension sociale et bénéfique que peut revêtir la prostitution,activité généralement vilipendée et criminalisée qui rend cependant bien des services,ou le ridicule des diktats de la communauté juive hassidique,décrite ici comme une mafia arriérée qui met le quartier en coupe réglée.Le casting,baroque et disparate,n'élève pas le niveau.Turturro interprète un personnage passif,mais il va trop loin en ce sens et fait de Fioravante un type totalement absent,sombrant carrément dans le non-jeu.Vanessa Paradis s'est visiblement trompée de porte.Sans doute pensait-elle en se présentant à la production qu'elle arrivait pour une vente privée chez Prada,toujours est-il qu'elle reste totalement inenvisageable en juive orthodoxe new-yorkaise mère de six enfants.Mais peut-être est-ce le directeur de casting qui n'avait pas digéré son dernier kilo d'amphètes.Liev Schreiber a l'air d'un clown en milicien communautaire à papillottes,et Sofia Vergara,si elle n'est pas une actrice bouleversante,compense un peu avec son physique ravageur.Dans le même ordre d'idée,on constate que Sharon Stone a de beaux restes,tandis qu'une autre française,Loan Chabanol,fait une brève apparition.Le seul à tirer son épingle du jeu dans ce désastre est ce vieux grigou de Woody Allen.Il hérite d'un personnage extrêmement proche de ceux qu'il incarne dans ses propres films,jusque dans les dialogues,si bien écrits qu'on jurerait qu'il en est l'auteur.En résulte un de ses numéros irrésistibles de vibrion déphasé,volubile,trouillard,geignard et raisonneur,qui aligne les réparties décalées et hilarantes.