Argo
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Argo

Film de Ben Affleck (2012)

Quitte à me recycler (ce que je fais sans vergogne), peut-on arguer qu’Argo vaille son Oscar ? Une récompense pareille à du pain béni pour Ben Affleck, dont la courte carrière de réalisateur semble démontrer d’une certaine efficacité, outre la corrélation avec un retour en grâce à l’aune de son premier passage derrière la caméra (pour un long’, avec Gone Baby Gone).


La curiosité était donc de mise, et sitôt le « Subterfuge canadien » découvert sous toutes ses coutures (celles exposées tout du moins), la réponse semble plutôt évidente : Argo doit davantage sa précieuse statuette (sans oublier les autres) au traitement propre sur lui d’un sujet historique, au contraire d’une mise en scène originale comme respectueuse de ce dernier.


Sous l’égide d’une loupe quelque peu académique, le long-métrage s’empare donc d’un fait diplomatique passionnant, dont les dessous saugrenus d’une résolution unique en son genre attestaient d’un fort potentiel divertissant : que l’on ne s’y trompe d’ailleurs pas, tant Argo échafaude avec brio un crescendo palpitant, jamais à court de souffle et nullement avare en sursauts efficaces.


Toutefois, le bât blesse sur ce plan même de la vraisemblance, Argo se laissant aller au gré de faits remaniés dans une pure optique romanesque : si cela n’était de prime abord pas le cas, l’intrigue déroulant de manière crédible les tenants d’une opération suicide, le film cède aux sirènes d’une tension artificielle lors de son dernier acte. De fait, son conventionnalisme transpire via de pareils écueils, que l’on caractériserait en l’occurrence de génériques : le parallèle entre l’échappée délibérément crispante, et le resserrement sporadique de l’étau iranien, en est l’exemple le plus parlant, tant ce suspense croissant se voit exclusivement suspendu à une théâtralisation téléphonée de l’urgence.


Qui plus est conjugué à cette fameuse composante historique, base d’un intérêt aucunement feint, Argo nous enjoint à nous pencher plus assidûment sur les ficelles véritables de l’affaire, ce qui sera révélateur de ses quelques travers (justement décriés) : la balance déséquilibrée entre le Canada (implication minimisée) et les États-Unis (tout l’inverse) est symptomatique d’une lecture très orientée, tandis que Mendez se voit érigé au rang de figure centrale, dont la connotation héroïque et l’approfondissement privilégié dénotent avec la toile de fond factuelle du long-métrage.


Néanmoins, si ces quelques affres nuancent à juste titre le succès d’Argo, il convient de ne pas occulter ses nombreuses qualités : car par-delà un récit enjolivé, l’on assiste à une reconstitution matérielle proprement excellente, gage d’une immersion aisée. En outre, l’atmosphère d’époque est d’autant plus probante qu’Alexandre Desplat officie en toute discrétion à la baguette, et l’on ne saurait que féliciter les performances d’un casting sans fausse note (bien que Ben Affleck, tout en retenue, fasse grise mine) ; pris dans sa globalité, il faut donc reconnaître que le film s’apparente à une machinerie parfaitement huilée, manquant de peu un engouement inconditionnel.


Inscrit au sein d’un registre truffé de productions quadrillées, pour certaines sans âmes, Argo arbore donc un relief des plus plaisants, si ce n’est louable : sa nomination puis le sacre qui en découlera ne sont donc pas une surprise in fine, mais mon choix aurait été tout autre.

NiERONiMO
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le 16 sept. 2017

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