Deux navettes spatiales pour un navet pas spécial
Bruce Willis sauve une nouvelle fois notre bonne vieille planète. Michael Bay, le cinéaste qui flanque le parkinson à toutes les caméras qu'ils touchent, fait de nouveau parler de lui dans un vacarme assourdissant.
Il est agréable, quand on est journaliste, de recevoir un magnifique dossier de presse, rempli d'informations que la simple vision du film ne laisse aucunement augurer. Dans celui d'"Armageddon", on apprend par exemple qu'un astéroïde devient météore quand il pénètre l'atmosphère terrestre et météorite une fois qu'il a percuté la surface de la planète bleue. On nous catapulte de nombreuses dates en relation avec les astéroïdes. On y dit que la NASA a participé étroitement au tournage. Bref, ce genre de dossier est bourré d'informations inutiles, mais parfois intéressantes. Cependant ce sont souvent pour la plupart des éléments que l'on ne soupçonne jamais en tant que spectateur. En lisant ce genre de publications, on a parfois l'impression de se trouver devant un chef-d'oeuvre. En fait, plus le dossier de presse est fourni, plus le film tend vers le navet. Ici, c'est le cas.
"Armageddon" n'a d'autre intérêt que la frimousse virile de Bruce Willis et de nombreuses explosions tonitruantes. On ressort de là comme si on venait d'assister à un concert de Prodigy: une expérience aussi dévastatrice qu'un disque de mauvaise techno. Et ce n'est pas la musique assourdissante et d'une mièvrerie affligeante de Trevor Rabin qui arrange les choses. Certes les effets spéciaux sont irréprochable, mais, qu'on se le dise une fois pour toute, la meilleure des techniques ne palliera jamais le manque de scénario. Un film doit allier forme et fond.
Bruce Willis y incarne le meilleur foreur de la planète. Goguenard, il dirige une équipe de têtes brûlées et se comporte comme une mère poule pour sa fille Grace (Liv Tyler). Harry S. Stamper, puisque c'est son nom, voit d'un très mauvais oeil la relation entre sa progéniture et A.J. Frost (Ben Affleck), le meilleur élément de son équipe qu'il considère comme son propre fils: bonjour l'imagerie freudienne. Ce charmant petit monde est troublé par l'annonce qu'un astéroïde de la taille du Texas se dirige vers la terre, en ayant la méchante idée de la percuter. Un ponte de la NASA, Dan Truman (Billy Bob Thornton, excellent comédien chez Oliver Stone (U-Turn) et réalisateur accompli (SlingBlade)) fait appel à Harry pour lui exposer son idée. Il pense qu'en forant la vilaine comète et en y introduisant une puissante charge nucléaire, on pourrait parvenir à la faire exploser. Harry accepte à condition qu'il puisse travailler avec ses hommes et que tous soit exemptés d'impôts à vie. Commence alors une formation d'astronaute poussée pour nos braves foreurs de basse extraction.
Enfin, arrive le grand jour du départ. Là, Michael Bay fait étalage du plus vil patriotisme en mettant l'accent sur les couples qui se séparent dans les larmes en se promettant de revenir vivants de l'enfer. Il donne alors sérieusement à ses personnages le statut de héros national. Car bien sûr le film ne s'attarde que sur cette bonne vieille patrie américaine, en faisant cependant de brèves et stupides incartades dans le reste du monde: en, Inde, un peuple entier lève les bras au ciel en attendant que cela se passe et les Turc sont bêtement réunis, les bras levés, devant Sainte Sophie, etc. Bref, une suite de clichés éculés sensés émouvoir le spectateur. Puis, il reste trois quart d'heure de film nous montrant nos braves petits forer l'astéroïde avec la plus grande peine. Il faut dire que l'une des deux navettes s'est déjà perdue corps et biens dans l'infinité de l'espace. Sans parler non plus de l'étonnant final auquel tout le monde s'attend depuis le début. Dorénavant et dans l'éventualité dune pareille situation, prions pour que les fragments du météore anéantissent les studios qui osent produire ce genre d'ineptie, capables de vous faire détester le cinéma à jamais.