Army of the Dead
4.6
Army of the Dead

Film de Zack Snyder (2021)

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Eh bien... On peut dire que "Army of the Dead" se veut beaucoup de choses, peut-être même à la fois trop et pas assez pour un tel mastodonte atteignant la durée impressionnante de 2h30 !


D'abord et avant tout, ce long-métrage est une véritable expérience cathartique pour son chef d'orchestre Zack Snyder. Ce sera même proclamé tout haut par une voie pas si détournée dans la première partie du film. "Army of the Dead" a quelque chose d'une thérapie cinématographique pour l'homme derrière le cinéaste, celui brisé par le suicide de son enfant qui panse ses plaies à travers les épreuves traversées par le héros et père (Dave Bautista) avec sa fille (Ella Purnell). Certes, Zack Snyder n'est pas la subtilité incarnée et y va avec la finesse d'un sanglier afin d'exprimer la douleur de son traumatisme mais la sincérité qu'il y met est d'une déchirante vérité, octroyant une indéniable émotion supplémentaire à la simplicité de certains poncifs (l'échange père-fille dans le dernier acte notamment). Et c'est également une thérapie pour l'artiste lui-même que la tragédie a conduit à abandonner ses projets concernant l'univers DC au cinéma, en particulier son "Justice League" sauvé miraculeusement des enfers par sa propre main avec le succès que l'on connaît. Par besoin, le réalisateur revient ici à la base de sa filmographie, au hit du film de zombies qui l'a révélé et que peu conteste dans son oeuvre on le sait clivante : "Dawn of the Dead", ce remake du film de Romero et dont le titre français "L'Armée des Morts" entretient ironiquement cette définitive notion de retour aux sources avec ce nouveau long-métrage.


Comme dans "Dawn of the Dead", Snyder y dévoile une nouvelle fois sa vision de l'Amérique qui a bien évidemment évolué depuis 2004. Le clivage irréconciliable d'une société s'exprime ici dès le prologue, les incarnations de l'ordre et de la désinvolture U.S. se percutent à l'écran pour engendrer le pire des chaos, une épidémie de zombies dans la ville la plus symboliquement décadente des États-Unis : Las Vegas. Perdu dans l'opulence des décors sans identité et empruntés aux quatre coins de la planète, le zombie originel ira chercher refuge auprès d'un mythe ancien qui, lui, a réussi à traverser les siècles là où le rêve américain semble condamner par sa superficialité. Snyder ne s'arrête pas là et grossit même le trait avec un régime cupide, encore à dominante Trumpienne de toute évidence (on y aperçoit même un de ses ex porte-paroles), voyant cette épidémie comme un moyen idéal d'assurer son essor et d'y étouffer ses ennemis dans le microcosme qui s'est établi autour de la ville. Du point de vue naïf du film, seuls les valeurs familiales, l'entraide et l'idéalisme de la jeunesse sembleront être les lueurs d'espoir les plus à même de contrecarrer cette Amérique rongée par l'extrémisme et l'appât du gain.


Après un générique d'ouverture réussi vis-à-vis du parcours retracé mais qui aurait pu être tellement plus iconique sur la forme (on est loin de celui d'un "Watchmen" en la matière), "Army of the Dead" révèle également sa nature hybride de film de zombie et de film de casse.
Ne tournons pas autour du pot, que ce soit d'un côté ou de l'autre, les emprunts de Snyder ne vont pas follement briller par l'originalité de l'intrigue qui en découle. Au point de départ complètement sommaire (un magot à récupérer dans ce Las Vegas plein de zombies) s'agglutinera à peu près tous les poncifs du film de casse, de la formation du gang de fortes têtes choisies pour leurs talents respectifs à l'opération qui tourne mal à cause de trahisons et autres avaries prévisibles, sans que les tentatives pour diversifier la proposition "zombie" impressionnent par leur inventivité (le film lorgne vers "Land of the Dead" avec une race évolutive d'infectés).
Mais, dans le fond, on s'en doutait déjà un peu et puis, lorsque "Army of the Dead" revêt ses véritables habits de série B bourrine et divertissante, il écrase à peu près tout sur son passage, accumulant les morceaux de bravoure dans lesquels Snyder sait invariablement nous emporter. Même les personnages du film auxquels on pensait difficilement attacher (leurs personnalités équivalent chacune à l'épaisseur d'un cure-dent) trouvent un brin de consistance dans la route parsemée de morts-vivants que le film leur réserve. Dès les premiers pas en ville, il est clair que Snyder se donne pour mission d'essayer d'éliminer l'ennui du vocabulaire du film grâce à une cascade non-stop d'affrontements et, à l'écran, il y parvient les trois-quarts du temps grâce à leur variété (parfois gore) et la générosité qui en émane dans le but d'offrir un spectacle primaire mais toujours jouissif. D'ailleurs, les rares instants où "Army of the Dead" calme le jeu sont toujours fatals pour son rythme, nous ramenant à la cruelle réalité de sa trop longue durée.


Car, oui, bien entendu, "Army of the Dead" est un film trop long pour ce qu'il a à raconter, beaucoup plus mineur que "L'Armée des Morts" et bizarrement moins inspiré visuellement que d'autres œuvres de Snyder (aïe, ces flous numériques en arrière-plan qui donnent presque envie de loucher !) mais on s'y sera amusé, un peu bêtement certes, mais malgré tout conscient de ce que son auteur a cherché à y imprégner de son vécu et du regard pessimiste qu'il pose sur son pays. Après tout, au cinéma, on a vu bien plus ennuyeux en matière de thérapies déguisées qu'un bon vieux massacre de zombies quasi-permanent, non ?

RedArrow
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le 21 mai 2021

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RedArrow

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