Cela fait longtemps qu'on n'avait pas attendu une adaptation cinématographique de jeu vidéo avec impatience. Cela fait même longtemps qu'on a arrêté de croire aux miracles concernant ce genre de projet et pourtant avec "Assassin's Creed", on y croyait. Il faut dire qu'il y avait de quoi faire saliver : Justin Kurzel, le réalisateur du furieux "Macbeth" aux commandes, Michael Fassbender impliqué à la fois en tant qu'acteur et que co-producteur et puis l'envie du film de nous offrir de nouveaux personnages plutôt que d'aller fouiller du côté d'Altaïr ou Ezio. Force est de reconnaître que le résultat, loin d'être une purge totale, n'est pas non plus une grande réussite.
Saluons l'ambition de Kurzel qui rend hommage aux jeux développés par Ubisoft avec des scènes d'action au rythme parfois trop saccadé dans le montage mais aux chorégraphies impressionnantes et brutales. Saluons aussi sa volonté de tourner le plus possible dans des décors réels et de pousser les acteurs à faire le plus de cascades possibles. Mais si la forme ne manque pas d'allure, soignée aussi bien dans le passé (poussiéreux et jaunâtre) que dans le présent (froid, sombre et bleuté), le scénario vient donner du plomb dans l'aile à ce saut de la foi fait sans grande conviction. En effet, "Assassin's Creed" déroule ses personnages et sa mythologie (capillotractée tout de même, genre il y a un code génétique du libre arbitre) en tâchant d'embrigader son spectateur dans le délire mais il souffre d'une construction bâtarde, typique des blockbusters de ces dernières années : un début ultra-laborieux (nécessaire mais tout de même), un peu d'action et surtout une fin totalement ouverte, laissant aux suites le soin de poursuivre une histoire qui n'a jamais été pensée pour fonctionner en elle-même. Certes, il est normal de penser aux suites et de glisser des pistes dans ce sens-là mais est-ce une raison pour nous balancer une fin bâclée et ouverte en se disant que tout sera expliqué par la suite ? Plus aucun gros divertissement américain n'est pensé comme une seule histoire qui fonctionne, chaque nouveau blockbuster semble nous dire "vous avez vu, c'était pas mal mais attendez la suite, ce sera encore mieux". Depuis quand le cinéma n'est-il pas capable de nous conter une histoire avec un début, un milieu et une fin en deux heures ? Surtout que si le film se casse la gueule au box-office, on n'aura plus jamais aucune raison de le revoir...
Cette façon de faire frustrante et assurément marketing nous place donc au cœur d'un récit qui développe des enjeux creux et des personnages auxquels on aura du mal à s'attacher. Certes, Michael Fassbender est charismatique mais on se fout que son personnage parvienne à ses fins ou non. Certes, Marion Cotillard est troublante mais on se fiche de savoir ce qui la ronge. Certes, Jeremy Irons a la classe mais il ne fait rien d'autre que d'observer des scènes avec les mains dans les poches. On a beau sentir une ambition de tous les instants avec une histoire originale mais ancrée dans un univers familiers pour les fans du jeu, à aucun moment on ne s'y attache. Pire, on s'ennuie pendant plusieurs scènes. Jusqu'au moment où Kurzel se réveille pour filmer des scènes d'action survitaminées et rythmées par une bande-originale ébouriffante. Ce qui suffit à nous tenir en haleine sur la dernière partie du film mais qui nous donne surtout envie de rejouer aux jeux vidéos... Reste à voir ce que tout ce récit un peu creux donnera par la suite...