Le film a probablement comme intention, quelque part, d’introduire l’univers Assassin's Creed à un public nouveau, sans doute non-joueur. Si ce n’est pas complètement raté, c’est qu’Ubisoft est très fort ou le public fort bienveillant : alors qu’il ne semble pas bien compliqué de présenter les deux camps en présence, Assassins pro-liberté et Templiers pro-contrôle, et la machine qui permet de lire la mémoire génétique, l’Animus — la base de l’univers Assassin’s Creed —, le film rend obscures les relations entre les différentes factions (notamment les Templiers et Abstergo) et se perd dans des considérations mêmes pas claires sur ce qu’est la Pomme d’Éden ou des séquences de technobabillage grossières sur le “code génétique de la violence” et “le vaccin contre l’agressivité et la guerre”. Aussi, ce plan mémorable où Marion Cotillard s’exclame “Leap of Faith!” : je suis presque certain qu’elle a lu le script et a vu qu’elle devait dire cette réplique à ce moment, mais sans comprendre un seul instant ce que ça pouvait vouloir dire. Et puis qu’est-ce qu’on s’en fout de connaître le nom de ce mouvement signature des Assassins, alors qu'il est déjà visuellement parlant ? Si quelqu’un ne connaissant pas l’univers d’Assassin’s Creed est sorti de la salle avec une perception claire de l'histoire et furieuse envie de jouer aux jeux pour découvrir le reste de l'univers (et pas juste pour la baston), j’aimerais vraiment qu'il me raconte son impression.
Ensuite, puisqu’Ubisoft a dit qu’on n’aurait pas de jeu cette année mais un film, je m’attendais — en joueur assidu de la série — à ce que ce film serve la continuité de l’histoire, nous explique des choses jusqu’à lors laissées dans l’ombre ou fasse avancer le scénario du vingt-et-unième siècle. Sauf que ce film, s’il fait partie du « canon », va me rester en travers de la gorge. Entre une “grande loge des Templiers” qui n’existait pas auparavant — Jacques de Molay n’ayant pas bien vécu la purge des Templiers, ses successeurs ont choisi d’agir dans l’ombre et notamment sous l’alias Abstergo Industries —, un Alan Rikkin qui n’a rien à voir avec le personnage posé dans les jeux et qui n’arrête pas de parler des “Aînés” comme de ses big boss alors qu’il fait lui-même partie de l’“Inner Sanctum” des Templiers… Un Animus juste scandaleux, peut-être conçu comme ça seulement parce qu’il devait passer sur grand écran ? La table minimaliste du premier jeu ou l’espèce de fauteuil blanc-rouge des suivants, ça suffisait pas…? On a aussi une Espagne poussiéreuse et pas convaincante, une histoire brouillonne de kidnapping et rançon totalement anonymes, avec un seul monument iconique et une seule personnalité historique réelle intégrés dans la crypto-histoire des Assassins-Templiers, ce qui est franchement miteux pour un épisode d’Assassin’s Creed, dont la franchise nous a habitué à des reconstitutions historiques (certes parfois approximatives), mais toujours riches en personnages et chouettes esthétiquement parlant.
Au-delà de ça, le film ne m’a pas l’air d’avoir su rendre les vraies raisons de la « badassitude » des Assassins, qui ne sont pas juste de fanatiques machines à tuer spécialité parkour, et il ne sait pas du tout comment jongler entre son identité de film et son héritage vidéoludique — après des années et des années de malédiction adaptative jeu-vidéo/cinéma, est-ce que ça nous surprend vraiment ? Dans son scénario, le film trahit les jeux. En tant que film, il n'ajoute rien d'intéressant à la franchise, à mon avis. Tout en espérant vainement que ce film signe la fin d’une brève et triste histoire d’Assassin’s Creed au cinéma, je déplore que sa fin nous promette aussi fort une suite à venir… C'est comme ça, avec Ubisoft. Les déceptions et, malgré elles, un retour inexplicable et masochiste à la franchise. Sans doute que c'est aussi pour le plaisir de râler.