J’étais tombé sur une image, présentant un Robin Williams rayonnant, plongé jusqu’au bassin dans une flaque de peinture multicolore. Sans savoir de quel film ça venait, je savais toutefois que je devais voir celui-ci. Ce film, c’est What dreams may come : 6,4 de moyenne sur SensCritique, 5,3 parmi mes éclaireurs… ah, zut.
Peu importe, en ce moment je saute sur n’importe quel film de Robin Williams potentiellement bon, et j’ai quand même 2 éclaireurs qui lui ont mis 8 et 9. Ça me suffit.


Ici, Williams incarne Chris Nielsen, un père de famille qui décède, et dont le corps erre parmi les vivants, voyant les conséquences de sa mort. Mais il explore également des évènements passés, où il est présent en tant que simple observateur, comme s’il était invisible… et pourtant, on découvre plus tard qu’il est capable d’influencer les vivants, poussant sa femme à écrire ce qu’il lui murmure…
Ce qu’il se passe n’est donc pas bien clair, on ne sait exactement si ce que vit Chris ne se passe que dans son esprit, ou s’il est présent physiquement…
Lorsqu’il se retrouve au paradis, il peut le façonner selon sa volonté, et s’imagine dans un des tableaux peints par sa femme.
C’est très coloré, les effets visuels sont étonnamment efficaces, donnant l’impression que les paysages, bien qu’animés, sont réellement peints, et chaque pas sur le sol écrase les pigments en une bouillie multicolore. Une belle idée.
What dreams may come est un film qui a une identité visuelle très marquée… mais ça n’est pas toujours une bonne chose.
Le héros est accompagné dans les limbes par une sorte de… guide, je ne sais pas, qui prend la forme d’un Cuba Gooding Jr qui danse tout nu, et flou. C’est à dire qu’il y a un effet de flou qui crée une traînée de lumière à chacun de ses mouvements. Wtf.


Il faut l’avouer, Vincent Ward a été très ambitieux avec ce film, je pense que son intention était que pratiquement tous les plans aient quelque chose de visuellement marquant, mais du coup je trouve le résultat d’un maniérisme trop appuyé, à base d’idées pas toujours originales, et souvent gratuites.
Dans What dreams may come, avant même qu’on n’entre dans les peintures, il y a presque à chaque plan un élément de décor ou tout en environnement lumineux et coloré ; peu importe où sont les personnages, que ce soit un cimetière ou l’allée devant chez eux, il y a des pétales de fleurs bleus étalés sur le sol…
Ok c’est joli, il y a de beaux plans et une photographie soignée, mais c’est trop artificiel, et ce avant même l’incursion dans le fantastique.
J’adore les films de Brian De Palma des années 80 parce qu’il y a sans arrêt des idées visuelles, mais ce qui me rend surtout admiratif c’est que c’est toujours en adéquation avec ce qu’il se passe à tel moment de l’intrigue (et dans Blow out, c’est le summum).
Mais dans le film de Ward, les effets sont gratuits la moitié du temps, en plus d’être tout le temps les mêmes.
Il y a beaucoup trop de ralentis, tout du long du film ; je pensais au début, au vu des évènements, que c’était pour indiquer que les personnages savourent chaque petit moment de bonheur tant qu’ils le peuvent… mais ça se poursuit par la suite, et au bout de 10mn j’en avais fait une overdose.
Le pire c’est que la majorité de ces ralentis n’ont pas été faits sur le tournage mais en post-production, et j’ai eu l’impression plusieurs fois que c’était pour rattraper un plan dont la durée était trop courte, ou pour étirer la fin d’un plan (il y a un ralenti automatiquement à chaque fondu enchaîné !).
La stylisation du film finit par lui nuire ; il y a beaucoup trop de plans proches du visage à mon goût. Selon moi, c’est pour créer un sentiment de proximité avec les personnages, et avec certaines scènes présentant le couple par exemple ça fonctionne… mais à force, j’ai trouvé ces cadrages oppressants.
What dreams may come est assez mal filmé et monté, ça se remarque surtout dans les séquences sur fond vert, il y a des recadrages, des coupes trop tôt, des faux-raccord… sûrement là encore pour rattraper des soucis au tournage. Même au son, on remarque régulièrement ce qui a été post-synchronisé.


C’est ultra-kitsch visuellement, mais aussi dans l’abondance de bons sentiments.
Les scènes romantiques du début sont cucul, les personnages ont des comportements peu naturels, bien trop mielleux pour qu’on y croie.
Et plus ça va, plus on plonge dans la bêtise et la niaiserie : l’univers imaginaire de Chris se développe, en même temps que sa femme, encore vivante, change la peinture qui a inspiré sa vision du paradis. On raconte que ça n’a jamais été vu avant, mais que ça doit être parce que Chris et Annie sont des âmes sœurs… Ohlala…
Et donc apparemment, le couple fait preuve d’un amour si fort qu’ils arrivent, plusieurs fois dans le film, à faire des choses que personne d’autre n’a fait, depuis… depuis l’existence de l’humanité, j’imagine ? (je trouve ça insultant pour les autres couples)
What dreams may come développe quand même parfois, à travers sa vision de l’au-delà, un propos intéressant sur l’existence, avançant l’idée que notre identité ne correspond pas à notre enveloppe physique, mais à notre… notre quoi, au fait ? Notre âme ?
En tout cas, le film cherche à libérer le public de préconceptions… et tout s’écroule quand Chris demande "Where is god in all this ?", comme pour rassurer l’Amérique pieuse qu’on ne leur présente pas une vision blasphématoire de l’au-delà. Et le type qui a livré tout le propos jusque là nous sort que dieu est "quelque part là-haut", à nous envoyer son amour.
Conneries.


Les acteurs sont tout de même très bons, très impliqués émotionnellement. Le réalisateur a au moins eu le bon sens de laisser des scènes silencieuses, sans musique, avec seulement les acteurs parlant à voix basse, de sorte à laisser le spectateur être imprégné des émotions uniquement véhiculées par l’interprétation.
Williams reste touchant, comme à son habitude. Les comédiens croyaient visiblement au projet, c’est ça le vrai drame pour moi.
Ils arrivent à rendre des scènes plutôt belles malgré tout… mais on replonge à chaque fois par la suite dans une niaiserie extrême.
On ne cesse de nager entre deux eaux avec ce film.
Il y a de temps en temps des images superbes, puis on se retrouve avec des détails too much ; la vision des enfers concrétise superbement des tableaux classiques, et d’autres fois on a droit à des CGI ratés qui donnent une ambiance à la Vidocq.
J’admets qu’il y a également de bonnes idées dans la façon de revisiter le mythe d’Orphée et les conceptions du paradis et de l’enfer, l’entremêlement des flashbacks avec le présent est parfois bien pensé aussi.
Alors qu’il y a des scènes complètement grotesques (l’accident de la route avec les voitures qui font des saltos ; on n’est pas dans Destination finale 2).


Plus le ton du film devenait grave, plus j’appréciais.
…et puis le happy end nous fait replonger dans une niaiserie débile, horrible.
Ce que j’aime dans les films de Robin Williams, c’est la justesse du propos ; même dans Mrs Doubtfire, j’avais été étonné que cette comédie ne nous mente pas en traitant à la légère le sujet sérieux qui y est abordé, à savoir le divorce.
Et dans What dreams may come, au contraire, la morale c’est que ce n’est pas grave si on perd tous ses proches, on peut atteindre le bonheur dans la vie après la mort.
En cela, j’ai trouvé la conclusion immonde.
Mais étant donné que j’avais hésité à arrêter au bout d’une trentaine de minutes, et qu’au final j’ai tenu les 2h que dure ce film… disons que ce n’est pas aussi mauvais que je l’imaginais au début. Il y a quelques bons éléments qui m’ont fait tenir, mais globalement c’est assez nauséeux.

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le 3 nov. 2016

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Wykydtron IV

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