Il y a des films qui parlent d'eux-mêmes tant, après leur vision,  il est difficile de véritablement en dire quelque chose. Cela n'est finalement que l'essence même du cinéma qui se distingue de la lecture par la passivité du spectateur vis-à-vis de ce qui s'impose à lui, des images et de sensations qui l'assaillent par des plans, des dialogues, de la musique et des jeux de lumière. Le bon film se caractérise par la beauté pure de l'instant présent et par la sensation instiguée dans l'esprit de celui qui regarde que tout a été dit et que plus rien n'est à commenter."Au revoir là-haut" est donc un excellent film français et je rejoins avec plaisir la critique dythirambique qui lui a été fait, sans pour autant (et ce n'est tout de même pas mon habitude) avoir à exprimer ou à développer particulièrement un aspect du film en particulier. Albert Dupontel raconte l'histoire de deux soldats de la Première Guerre Mondiale qui nouent une amitié dans les tranchées, et lors d'un assaut, se retrouvent liés par le sauvetage de l'un par l'autre, et une défiguration (qui rappelle un peu le livre de Marc Dugain) d'un des deux protagonistes par un éclat d'obus, et qui lui permet de fuir sa vie par l'art et l'escroquerie aux monuments aux morts. C'est en fait l'histoire d'une amitié entre deux soldats, et en même temps de la relation complexe et magnifique entre un père et un fils qui est contée à l'écran avec un certain brio. 

Le film est particulierement réussi car il donne dès le début une drôle d'impression : celle d'un décor en carton pâte et de personnages en papier crépon. D'ordinaire, cette forme de mascarade est particulièrement déplaisante mais en l'occurrence, cette sensation d'une forme de spectacle de marionnettes aux décors et aux effets spéciaux un peu fantaques et peu crédibles se caractérise par une ambiance à la Boris Vian. Les premiers plans sur la guerre des tranchées sont assez originaux et fantasmagoriques sans pour autant impacter sur la qualité du film. Cette ambiance un peu colorée et vive se marie particulièrement bien avec le jeu très sobre, mais paradoxalement exubérant des acteurs principaux. Le jeu d'Albert Dupontel par sa simplicité et sa bêtise poétique un peu balourde contraste brillamment avec celui brillant et disons-le, divin, de Nahuel Pérez Biscayart cet excellent auteur argentin qui s'était déjà fait remarquer en 2017 dans 120 Battements par Minute et qui est fantastique dans son expression, avec ses beaux yeux bleus et ses masques splendides. Cette petite clique des deux acteurs avec la petite fille solaire qui interprète les râlements de la gueule cassée est extrêmement plaisante. L'intensité tragique entre le père, très bien incarné par Niels Arestrup et le fils atteint une sensibilité inégalée et explose à la fin du film par une sorte de splendide envol. Cette oeuvre cinématographique est aussi très drôle à de nombreux égards, et allie au comique la tragédie dans une forme quasi élizabéthaine. Dupontel opère également à sa critique habituelle du cynisme, du capitalisme et de la société actuelle, rongée par l'argent et l'insensibilité. Le film est donc somme toute très bon et finalement laisse peu de place à la réflexion, parce qu'il remplit l'objectif de son ouvrage, et l'on en retiendra réellement que les yeux sont définivitement le miroir de l'âme.

PaulStaes
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le 19 mars 2018

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Paul Staes

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