Le Bond unique, avec son acteur unique et son Blofeld exemplaire. Plans larges magnifiques, mouvements de caméras pour le moins osés, combats très brutaux qui ont inspiré les réalisateurs de films d'action jusqu'à maintenant, comme la récente saga Jason Bourne, qui porte d'ailleurs les mêmes initiales. James Bond lui reprendra d'ailleurs quelques idées au moment de la sortie de Casino Royale, qui a comme point commun d'avoir dans son histoire l'autre grand amour de Bond, Vesper Lynd. Il est aussi le premier à avoir un final dramatique.
La Suisse sert de lieu d'action à une bonne partie du film. Elle représente à elle seule un endroit ou les secrets sont hermétiquement garder, particulièrement ceux concernant la finance, donc celle qui nourrit les opérations occultes. Pour une étude plus approfondie voir l'article du livre James Bond (2)007 : Anatomie d'un mythe populaire, James Bond contre -ou pour ? - les gnomes de Zurich.
Le premier point fort du film, trop marqué pour certains, est la patte de son réalisateur, monteur de la série de longue date, Peter Hunt. En effet il tente plusieurs plans audacieux et ce dès le début de l'intrigue. Des zooms très francs, des filtres bleutés et des grands angles très spécifiques pour les plans des courses poursuites en skis. Et bien sûr, l'utilisation de la technique qui l'a fait rentrer au panthéon des monteurs, le fameux crash cutting, popularisé dans le combat final de Bons Baisers de Russie.
Le deuxième point fort est bien évidemment l'intrigue. Un Bond amoureux. Un face à face mano a mano avec Blofeld. Lui même ayant près de lui Irma Bunt. Une menace de stérilisation des plantes, de la Nature et donc de la Vie elle même. En reprenant au maximum le récit du livre et en le mettant en images de manière formaliste mais forte, Peter Hunt a, pour beaucoup d'aficionados, trouver l'essence de Bond. Il le disait lui même :"Qui est James Bond ? Ce n'est pas Sean Connery, ni Roger Moore, ni aucun des autres. C'est James Bond". Pourtant il met du temps à montrer le visage du nouveau Bond. Et finalement en prend son parti en faisant dire au nouveau Bond de l'époque, George Lazenby, à la fin du pré-générique : "This never happened to the other fella !" ("Ceci n'est jamais arrivé à l'autre type !"). Référence évidente à Sean Connery. George Lazenby n'étant pas encore une icône, nous avons le temps de nous concentrer sur l'histoire, sur le fond. En effet tout le monde de Fleming se trouve ici : l'ésotérisme avec le côté St George (justement …) contre le dragon, ou plutôt avec le dragon (son allié s'appelle Draco), la peur du mariage, vu comme un enchaînement et logiquement suivi par cette fin tragique,, l'humour sarcastique et désespéré, les rêves de maîtresses multiples, l'héroïsme perdu et la virilité de l'homme aristocrate anglais, peut être un peu perdue elle aussi. De plus Blofeld apparaît comme l'égal de Bond mais également son opposé, son miroir négatif. Superbement interprété par Telly Savalas qui trouve ici un de ses meilleurs rôles au cinéma, il se permet même de déclamer à la non moins fabuleuse Diana Rigg des vers de James Elroy Flecker.
L'interprétation est à la hauteur de de l'ensemble. Certes si George Lazenby porte bien le costume, il n'a pas la présence d'un Sean Connery ou plus tard le talent d'un Timothy Dalton ou d'un Daniel Craig mais le reste du casting efface son côté débutant. Diana Rigg est troublante de grâce, de fragilité et de force entremêlées, Gabriele Ferzetti qui joue son père est parfait dans le personnage du beau-père (sic) de Bond et comme écrit auparavant Telly Savalas est à l'aise dans le rôle d'un Blofeld tenace et cruel. Tous les seconds rôles sont dans la cadence et l'on voit même Moneypenny pleurer …
Enfin, un dernier atout majeur du film en sus des décors splendides, est la musique. La musique de John Barry. Probablement son chef d'œuvre avec le thème d'Amicalement Vôtre. Elle porte le film à bout de cuivres et de synthetizer Moog, instrument pour la première fois présent sur une bande originale de film.
Un film qui possède le charme paradoxal d'être à la fois marqué par son époque et tout à fait intemporel.

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le 4 déc. 2015

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