Thanos ramasse son gant et accepte le défi

Ça en froissera plus d’un si d’ici quelques décennies on en venait à résumer le cinéma des années 2010 comme l’âge d’or des super héros. Comme toutes les modes ça passera, et puis un jour on trouvera à nouveau du charme à ces vieux films perfectibles mais somme tout sympathiques avec leurs effets spéciaux désuets.
Rien que pour ça ça vaudrait le coup de voyager dans le temps: pour voir si ce qui nous semble important aujourd’hui restera dans les mémoires.
Quelle sera la place d’infinity war au milieu de tout ça? Pour comprendre ses enjeux est-il nécessaire d’avoir baigné dans 10 ans de préparation? Et si nous avions tellement ingurgité d’images numérique que notre jugement était irrémédiablement biaisé?


Dans l’immédiat ce qui est certain, c’est que le Marvel cinematic univers a réussi son pari: installer son empire, exister au delà des comics, créer sa propre mythologie, perdurer (et engranger toujours plus d’entrées).
Pour ceux qui ont suivi les grandes étapes de la construction, chaque film “avenger” est un aboutissement parce qu’il permet de faire le point, de réunir les personnages autour d’un projet, et nous rappeller pourquoi on est content d’avoir suivi les films individuels. C’est l’équivalent du finale de saison pour une série, à la différence - notable - qu’on paie pour chaque épisode.
Sans compter l’inflation des prix si on veut profiter du meilleur de la technologie.


Dans l’installation de son univers, on peut admettre que Marvel a eu la chance de pouvoir conserver son casting depuis 10 ans: certes les acteurs commencent à vieillir et on sent qu’une page va se tourner, qu’il va falloir laisser la place à de nouvelles têtes si on veut continuer, mais tout de même garder les principaux héros en “bon état” pendant une décennie, leur offrir à chacun une évolution, c’est déjà un petit exploit en soit.
On imagine la tension qui devait accompagner chaque renégociation de contrat et les chiffres mirobolants demandés au fur et à mesure par les acteurs incarnant les héros emblématiques..


Alors oui il y aurait moyen de faire mieux, de vraiment faire avancer les choses, d’offrir le même résultat en réduisant le nombre de films, de monter en qualité, de mieux gérer les enjeux, d’opérer de manière plus discrète, de ne pas jouer toujours la même histoire et d’oublier un temps l’aspect commercial.


Tous les films ne sont pas équivalents, et selon les périodes, les sensibilités, on a tous des supers héros ou des films qui ont du mal à nous séduire.
La lassitude s’est installée et pourtant en jugeant le nombre d’entrée du film on se rend compte que malgrè tout on reste curieux de visiter le gratte ciel qui n’en finit plus d’accumuler les étages.
Si on y revient, c’est qu’au fond on a l’espoir ou au moins la sensation qu’on finira par être récompensé. Ou au moins c’est qu’on veut vivre avec son temps et goûter nous aussi au dernier monument de pop culture.


Et voilà infinity war, présenté comme l’aboutissement d’une longue phase, le moment opportun pour les lassés de laisser la franchise continuer sans eux, la conclusion qui devrait les aider à décrocher.


Mais avant ça le film a beaucoup de monde à faire parler, principalement un méchant qui a bénéficié d’une pré annonce depuis des années mais qu’on a peu vu, et doit nous amener vers une nouvelle phase de l’expansion Marvel.


Le cahier des charges est épais, et l’entame ne nous trompe pas en annonçant directement la couleur.
On sait d’office:
Qu’on a plutôt intérêt à avoir vu les derniers films si on veut comprendre où en sont les protagonistes
Qu’on peut s’attendre à tout, et surtout à voir disparaître nos personnages préférés (mon personnage préféré de l’univers y passe au bout de 5 minutes, et mon cinéma a pris un plaisir sadique à me faire revivre la scène 4 fois à cause d’un problème technique, snif puissance 4….ça m’apprendra à vouloir profiter de l’imax 3D et de la Vo en même temps a priori c’est trop compliqué pour certains cinés)
Qu’on va avoir droit à une démonstration de force en exposant un méchant à la fois costaud physiquement mais aussi dans ses motivations. Bien dans sa tête, bien dans son corps le gaillard.


Dès son lancement le film embraye à toutes berzingues, naviguant d’un groupe de super héros à l’autre, les réunissant par duos ou trios, faisant des présentations express, offrant quelques confrontations succulentes (Doctor strange/Tony stark en tête des confrontations attendues), mêlant les univers avec une étonnante fluidité.


C’est fou, on est dans l’intrigue du début à la fin, et surtout on n’est jamais perdu: l’action a beau se passer à plusieurs endroits en même temps, on suit tout avec aisance.
Bien sûr il faut pas mal de simplifications pour que nos héros arrivent à sauter d’une planète à l’autre, à se retrouver en quelques secondes, à intégrer des informations qu’on a mis 10 ans à mettre en place, mais après tout on a affaire à des gens qui volent, qui font de la magie, sont télépathes, se transforment en alter égo vert…. Notre incrédulité est suspendue quelque part dans la galaxie depuis bien longtemps.


La patte Marvel c’est un univers, mais c’est aussi depuis plusieurs années un humour surexploité. On frôle encore le trop plein: en voulant laisser à chacun son petit moment, on veut alléger la sauce, nous rappeler ce qu’on aime chez chacun, et si c’est souvent percutant il faut bien reconnaître que certaines phrases choc sont superflues (mais c’est vraiment minime et sans doute chacun y trouvera son compte au final).


Ce qui par contre est particulièrement réussi, c’est ce Thanos présenté comme l’absolu méchant dans les premières minutes et qu’on finit par trouver touchant parce que même si on ne cautionne pas son projet, au moins on le comprend.
Un vilain avec des motivations autres que “le pouvoir pour le pouvoir” ou “détruire pour détruire”, c’est beau, mais surtout c’est fou qu’on l’ait dans LE film qui a priori laissait peu de places pour développer un nouveau personnage.


Tous les éléments sont au vert (sauf Hulk), même si on regrettera de ne pas retrouver la maîtrise des combats qui avait marqué le premier avenger: ça manque d’ampleur et de lisibilité, et c’est bien dommage parce que des scènes conçues pour être épiques sont bien en deça de ce qu’on a déjà vu (mais tout de même meilleures que le fameux meeting sur le parking d’Auchan de civil war). Il fallait bien trouver quelques regrets dans ce film.


Et puis vient la fin:
Quand débute le dernier acte on est surpris parce que le temps a filé sans nous lasser (enfin après 4 redémarrage du film quand même qui eux étaient assez pénibles).


Cette conclusion aurait pu être absolument parfaite, elle aurait pu nous marquer pour quelques semaines/mois/années, elle devrait nous faire cet effet.
Sauf que le spectateur a du mal à oublier ce qu’il savait déjà avant de rentrer dans la salle: si on connait déjà un peu le calendrier des prochaines sorties, si on réfléchit aux acteurs qui viennent d’arriver dans leur personnage depuis à peine un an, on ne peut à aucun moment penser que ce qu’on voit est définitif.


Le problème du film tient en peu de choses: ce n’est pas un paramètre qu’il peut maîtriser, c’est tout l’univers Marvel qui est à blâmer.
Pour apprécier pleinement le dernier acte d’infinity war il faudrait sortir de sa grotte, ne rien connaitre des projets de la firme, et goûter son plaisir sans arrière pensée. Il faudriat pouvoir regarder le film dans quelques décennies, en le prenant au hasard dans une liste de “classiqus à regarder”.


On aurait pu comprendre un peu plus facilement de voir des “vieux” super héros disparaître, là on veut renforcer l’impact émotionnel en faisant partir des jeunots, mais c’est l’inverse que ça a provoqué chez moi: je n’ai pas cru aux disparitions et je n’ai pas pu profiter de l’émotion qui aurait dû s’en dégager.
C’est dommage parce qu’arriver à faire un film aussi abouti, qui fait gagner le méchant, qu’on le comprenne, et qu’on perde nos héros en cours de route, ça avait quand même une sacrée classe.


Reste la seconde partie à attendre pour venir rebattre les cartes, et peut être nous dire que surprise, en fait ceux qui restent ne sont pas ceux qu’on pense….
Suspens.
Finalement c’est pas encore terminé, difficile de se défaire de ses addictions.

iori
8
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le 14 mai 2018

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iori

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