En plongeant dans les quartiers nord de Marseille, du point de vue de trois flics, mi fougueux mi désabusés, BAC nord renoue avec une forme de polar sous tension permanente, dans la veine du L627, de Tavernier. Là-dessus, le film est d’une efficacité redoutable et culmine à mi-chemin, lors d’une longue séquence d’intervention dans une cité, quasi insoutenable. Bref, en guise de film d’action, c’est assez fort et ce dès la séquence d’ouverture.


     Restons sur la forme, le problème de Jimenez c’est qu’il aime tellement Friedkin et Scorsese qu’il les copie à outrance : La sècheresse de French connection, le montage très musical façon Casino – Si le temps d’une scène, Adèle Exarchopoulos cite Les affranchis, ce n’est pas pour rien. Un peu comme il tentait de copier Heat, de Mann dans La French : Difficile de remplacer De Niro & Pacino par Dujardin & Lellouche, mais le film était pas si nul. Au petit jeu des comparaisons, ces deux films y perdent toutefois beaucoup. Mais c’est correct, bien fichu, captivant.


     Mais il y a le fond. On sait que le film s’est globalement fait lyncher par la presse de gauche. Qu’il a été taxé de propagande pro-flic et cerise sur le gâteau, promue par le rassemblement national. Je ne crois pas que Jimenez souhaite faire le jeu de MLP, mais ce serait porter des œillères que de ne pas voir que son film est très maladroit, c’est évident. Ne serait-ce qu’en érigeant ces trois flics ripoux en héros puis martyrs.


     Surtout il me semble que le film joue sur deux fronts. Il prévient d’entrée qu’il s’inspire de faits réels tout en prenant le parti de la fiction. Ok, il n’est pas le seul à faire ça. Mais dans ce cas, pourquoi nous dire in-extrémis ce que sont devenus les trois personnages, comme on le fait traditionnellement dans les biopics ? C’est d’autant plus embarrassant que dans les faits, le scandale de la BAC de Marseille ayant eu lieu en 2012, histoire dont le film s’inspire  – ouvertement puisqu’il ira jusqu’à intégrer une allocution réelle de Manuel Valls – il n’y avait pas trois flics déférés en correctionnel mais dix-huit.


     Par ailleurs, toute la dernière partie du film est absolument sans intérêt. Le film s’arrêtait quand la brigade faisait la fête après la réussite de leur intervention et c’était très bien. Très gênant, questionnant, très bien. Mais le film annonçait la couleur dès son introduction puisqu’il nous offrait l’arrestation de l’un des trois. Son vrai programme c’est donc moins l’action, la vie de ces flics et la violence de ces zones de non-droit, que le parcours christique de ses valeureux policiers, sympathiques et piégés.


     Autant Jimenez a un talent indéniable pour filmer l’action, le dehors, Marseille, les marchés, les toits ou les cours de cités, autant trois stars enfermées dans des cellules de prison c’est autre chose. Les stars parlons-en : Lellouche cabotine comme jamais, pas de surprise ; Civil est particulièrement nul, affublé qui plus est d’un accent qu’il arbore une fois sur deux ; seul Karim Leklou, plus en retenue, comme à son habitude, est plutôt bon. Enfin bref, dans un genre similaire, il me semble que Les Misérables, de Ladj Ly ouvrait mille fois plus de choses intéressantes, tout en partant sur une base réelle, là aussi.

JanosValuska
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le 30 sept. 2021

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