Après une trilogie Cornetto inégale et une excellente adaptation de la bd Scott Pilgrim, le britannique Edgar Wright, après avoir quitté le projet Ant-man pour cause de « différents artistiques », se lance dans la production de Baby driver avec un budget plus humble mais une liberté de création plus conséquente.
Résumé fast & furious :
Baby, ne conduit pas les voitures, il les pilote. Sous la tutelle de Doc, producteur local en mafieuseries, il est le « chauffeurportebonheurtalentueux » pour les casses de banques. Il doit rembourser une ancienne dette et compte bien arrêter ses escapades illégales une fois le drapeau à damiers hissé. Mais à la sortie d’un virage, débordé par les courbes de Débora, il percute l’amour de face et fait une sortie de route. Mais Doc Hudson, alias the fabulous Hudson Hornet, ne l’entend pas de cette oreille.
La théorie des cordes : on en pince ou on frappe
Désolée, je vais devoir faire un arrêt à la station et prendre un air pompeux. Les personnages de Baby driver sont tous articulés autour de la même idée. Sont-ils réceptifs à la musique ? La musique est ici une extension de l’amour et de l’empathie. Elle rapproche les gens et fait d’eux des personnes morales. Les deux extrêmes sont représentés par Baby et Bats. Si le premier a placé la musique au centre de sa vie c’est parce qu’il est empathique (il lit sur les lèvres), abhorre la violence et il est capable d’aimer et de se faire aimer. Au contraire de Bats qui se moque ouvertement de la musique et n’éprouve aucune empathie, allant jusqu’à abattre froidement un employé pour un paquet de chewing gum.
Baby souffre d’acouphènes, un phénomène qui se caractérise par un sifflement continue et monotone dans l’oreille. L’opposé de la musique faites de rythmes et de différentes variations de tons. Dès son plus jeune âge, la musique se diffuse en lui pour le structurer : ipod en cadeau, mère chanteuse. Et par la suite, mélomane avec une incroyable collection de vinyles et même des velléités de composition. De son côté, Bats n’est que destruction et égocentrisme. C’est par le biais de la musique qu’un personnage comme Buddy se rapprochera de Baby (scène du partage musical par ipod sur une chanson de Queen)
et qu’il deviendra violent jusqu’au meurtre une fois Darling tuée.
Plus d’amour, plus de musique, la haine ressurgit. Même constat avec son tuteur sourd Joseph, qui ressent la musique au travers des vibrations émises par les enceintes. Un personnage comme Doc, être froid et calculateur, baissera pourtant ses défenses et ira jusqu’à se sacrifier face à l’amour de Baby pour Debora et la musique ( il s’incline quant Baby vient reprendre la cassette audio sur laquelle sa mère chante)
Une fois sa rencontre avec Debora, encore autour d’une chanson, c’est elle qui, peu à peu, va venir en contrepoint du tempo de Baby pour finalement supplanter son accoutumance. C’est bien sa foi en Debora qui lui permettra de tenir cinq années en prison sans musique.
Greasant
Baby driver n’est pas un film sur la musique. C’est un film de personnages qui écoutent de la musique. Érigée en véritable ossature, la musique structure toute les scènes où elle est présente. Edgar Wright impose son aisance technique en dynamisant à l’extrême ses séquences déjà maîtrisées en superposant l’utilisation de la musique pour un résultat greasant. Le rythme des différentes chansons s’imposent pour agencer le montage des plans alors que la mélodie et les paroles témoignent de l’état d’esprit des personnages présents. Le plan séquence où Baby va chercher les cafés utilise les éléments de la chanson pour interagir directement avec l’acteur. On assiste alors à un instant suspendu où le méta flirte avec le spectateur. Agissant en chef d’orchestre, la musique dans Baby driver s’illustre plus en metteur en scène qu’en élément narratif supplémentaire.
Évidement, un film intelligemment façonné ne suffit pas à en faire une œuvre réussie. Baby driver s’accorde un casting brillant où chaque personnage est incarné. Ansel Elgort pallie son manque de charisme avec un jeu introspectif nuancé et des envolées musico-burlesques où sa formation de danseur lui permet de s'exprimer pleinement. Lily James sait se faire émouvante et fragile autant que déterminée. L’alchimie fonctionne à merveille avec Elgort dans ce couple un brin éraflé. Les tôliers comme Spacey, Foxx et Hamm expose une carrosserie délicate où les reflets de leur personnalités apparaissent par vagues subtiles. Il y a avait pourtant matière au cabotinage mais Ed Wright n’a jamais laissé ses acteurs monter dans les tours.
Couacs
Baby driver compte malgré tout quelques fausses notes. Contrairement à ses précédents films, Ed Wright compose ici une partition plus linéaire et classique. Loin des intrigues plus élaborées de la trilogie Cornetto ou de la structure jeu vidéo de Scott Pilgrim, Baby driver suit une tonalité rectiligne sans grande surprise afin de mieux se concentrer sur les personnages et leurs relations. Afin de rendre plus digestes et plus fluides certains passages, Wright a recours à quelques petits artifices scénaristiques mais toujours dans un soucis narratif. Même s’il est rarement prit en défaut sur sa mise en scène, la séquence de la poursuite nocturne dans le parking entre Baby et Buddy manque d’inspiration et semble réalisée par une seconde équipe tant le rendu paraît impersonnel comparé au reste.
Avec Baby driver, Ed Wright confirme qu’il fait partie de cette génération de cinéaste qui maîtrise toute la chaîne de production de leur film. Écriture, production, casting, technique, musique, rien n’est laissé au hasard et Ed Wright ne concède que quelques fausses notes dans cette partition ambitieuse. Si elle n’est pas de mon point de vue aussi éclatante que celle de Scott Pilgrim, la réussite de Baby driver reste exemplaire. On peut attendre avec enthousiasme son prochain métrage Last night in Soho et remercier Disney de l’avoir motivé d’abandonner le mercantile Ant-man pour la musicale cigale.