Edgar Wright en met plein les yeux et les oreilles avec Baby Driver, film de braquage musical unique en son genre.


En 2003, Edgar Wright réalisait le clip de Blue Song du groupe Mint Royale. Une séquence qu’il reproduit en guise de clin d’œil en ouverture de son dernier film, BABY DRIVER. Sauf qu’après près de quinze ans et quatre longs-métrages, pour beaucoup devenus culte (Shaun of the Dead, Hot Fuzz, Scott Pilgrim et Le Dernier Pub avant la fin du monde), Wright a gagné en expérience et maturité. C’est dans une optique plus « posée » et sérieuse, moins portée sur l’humour et les gags, que se présente BABY DRIVER, dont l’idée aura germé dans l’esprit du Britannique durant vingt-deux ans. Tel un Tarantino, il réalise avec ce film de braquage musical des plus réjouissants, son Kill Bill. Son œuvre-somme, pas forcément la plus appréciable (l’auteur de ces lignes a une préférence pour Shaun of the Dead et Scott Pilgrim), mais la plus maîtrisée, où les nombreuses références (dont à son propre cinéma) réinjectées permettent de la rendre des plus singulière.


Baby DriverÉcouteurs dans les oreilles, Ansel Elgort (parfait avec son visage innocent) se laisse emporté par Bellbottoms de Jon Spencer Blues Explosion. Il tapote sur son volant, joue avec les essuie-glaces et chante en playback par-dessus le morceau. Cette première scène met en place ce que sera BABY DRIVER durant deux heures : un film de braquage musical décomplexé et unique en son genre. Mais plus qu’une lubie d’un réalisateur amoureux de musique et désireux de faire découvrir quelques raretés à son public – excellente bande originale, avec Radar Love de Golden Earring, Harlem Shuffle de Bob & Earl, Tequila de The Champs… -, Edgar Wright utilise cet élément comme partie prenante de la personnalité de son héros. Baby, dit « B.A.B.Y, Baby », chauffeur de talent pour des braquages, souffre d’acouphènes depuis un accident de voiture. Pour dissimuler les bourdonnements, il écoute de la musique en continue, et rythme, en fonction, sa vie, sa démarche, et bien sûr, sa conduite au volant. Par ce personnage atypique, Edgar Wright fait de la musique le moteur de son film et pousse ainsi à l’extrême ce que produit par moment Tarantino (toujours lui). À savoir un lien de cause à effet entre l’image et la musique la plus adéquate, rendu possible par une vision précise du montage final.


Baby DriverClairement, Edgar Wright se fait plaisir, et ce, pour notre plus grand bonheur. S’il a toujours su faire preuve d’une richesse visuelle indéniable, notamment dans le travail de l’image au profit de l’humour, il s’autorise avec BABY DRIVER de grands mouvements de caméra, quelques plans-séquences, des poursuites en voiture irréprochables et une scène de romance sensuelle dans un lavomatique. Bref, du cinéma, du vrai ! Si la forme est techniquement parfaite, reste un léger regret sur le fond, pas si développé – comme le personnage Lily James, Deborah, réduite à être un peu cruche. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir opté pour un ton bien plus dramatique. Wright n’occultant pas les victimes collatérales de ces braquages, il met ses protagonistes (enfin surtout Baby) face à leurs responsabilités. Il coche ainsi toutes les cases du film de braquage traditionnel, lorgnant du côté de ses influences, Heat (Michael Mann, 1995), The Getaway (Sam Peckinpah, 1972) et bien évidemment The Driver (Walter Hill, 1978), mais sans en faire de simples hommages, cherchant surtout à se mettre à leur hauteur. Il parvient alors à prouver qu’il est encore possible de faire un film de studio qui corresponde aux attentes liées au genre, mais avec une personnalité propre à son réalisateur. Indéniablement, un futur classique.


Par Pierre Siclier pour Le Blog du Cinéma

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le 2 août 2017

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