Certains auteurs ne devraient pas quitter leur pays. Auteur du très moyen Crimes à Oxford, son second film en anglais et...son second échec critique, Alex De La Iglesia revient avec le superbe Balade Triste, et prouve une fois de plus tout son talent dès lors qu'il s'agit de diriger des acteurs en espagnol. Prenant pour cadre l'Espagne au temps du franquisme, il nous conte la lutte entre deux clowns pour conquérir le cœur de la belle Natalia, acrobate de cirque, sur fond d'affrontements entre républicains et nationalistes.

Après le très beau et très poétique Labyrinthe de Pan, de Guillermo Del Toro, c'est au tour de Alex De La Iglesia de mettre en scène sa vision de l'Espagne sous Franco. Si le premier choisissait d'installer son histoire au cœur du régime, durant la guerre, le second propose un grand écart entre deux périodes : l'introduction du film se déroule durant la guerre civile, tandis que la seconde partie prend place dans les années 70, peu avant la chute du dictateur. Mais les deux ont pour point commun de mettre en scène une histoire à échelle humaine au centre de l'Histoire, créant ainsi un parallèle entre les drames personnels de leurs personnages et celui que connait, à plus grande échelle, leur pays.

Le scénario suit le parcours de Javier, dont le père, artiste de cirque, est mort sous ses yeux dans un camp de travail, arrachant à son fils la promesse de le venger. Celui ci suit alors les traces de son père et devient clown. Cachant ses blessures intérieures sous le maquillage de Pierrot, il se fait engager dans un cirque et tombe sous la domination de Sergio, l'Auguste de la troupe, dont le don pour faire rire les enfants cache un caractère bestial toujours prête à tomber dans la violence la plus totale. On pense immédiatement au Zampano de Fellini, qui partage avec Sergio ce côté animal. Sauf que Natalia, qui partage la vie de ce dernier, n'a rien de la candeur et de l'innocence de Gelsomina. C'est pour elle que Javier va commettre l'irréparable, et entamer sa quête de revanche.

Magnifiquement mis en scène, bénéficiant d'une photographie superbe, tour à tour naturelle et irréelle, Balada triste fait partie de ces expériences uniques, film inclassable alternant superbement séquences féériques et scènes atroces. Le scénario, d'une intelligence rare, met en parallèle personnages historiques et imaginaires, mêlant histoire et Histoire avec finesse en plaçant le destin de Javier au cœur de la fin de règne du général.

Les acteurs sont au diapason du film et habitent leurs personnages avec un mélange de force et de fragilité qui les rend tour à tour attachants et répugnants, loin du manichéisme innocent du Labyrinthe de Pan.

Tour à tour grandiose et tragique, Balada Triste est une plongée au cœur d'une période sombre de l'Histoire, à travers le destin pathétique de Javier. Petit bijou d'humour noir, ce film atypique est à ne manquer sous aucun prétexte.
Hyunkel
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le 5 nov. 2011

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Hyunkel

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