L’ouverture façon opéra gothique, musique au rythme effréné sur le lent mouvement au-dessus d’une pierre sombre, annonce l’atmosphère du film : un univers sombre où la dispersion des détails nuit à la lecture générale sans pour autant empêcher les évidences. La pierre taillée se révèle être le sigle de Batman.
Il y a la beauté plastique du film. La rigueur habituelle de Tim Burton ordonne l’ensemble tandis que sa fantaisie particulière habille d’éclats de couleurs les ombres et les nuits du décor. Il y a les quelques plans d’ensemble, les panoramas sur la ville ou sur l’usine chimique, aux allures de peintures nocturnes, sombres mais dégageant chaque fois une lueur particulière, malade. Tous les extérieurs ramènent à Batman, les nuits sont noires mais toujours y luit quelque chose, l’espoir ou la misère et la truanderie.
Après une longue descente dans la ville, le film commence dans une impasse : deux malfrats brutalisent une jeune femme en riant de la rumeur de l’existence d’un homme chauve-souris. Sur un mur derrière eux, l’ombre du justicier se dessine. Quand il en a fini avec eux, il leur lâche un simple : « Je suis Batman ». L’évidence.
Pendant ce temps, la genèse du Joker, façon film noir, développe des magouilles politico-financières dans une atmosphère qui oscille entre 50’s (pour les costards, les gueules de mafieux, l’atmosphère secrète et étouffée) et 70’s (dans la fantaisie décalée des décors et les touches de couleurs).
Dans le décor impressionnant de l’usine chimique, le Joker s’interroge : « Où trouve-t-il ces fantastiques jouets ? ». C’est effectivement un Batman équipé de technologies avancées et confiant dans ses gadgets que nous sert Tim Burton. Moins prompt à l’action qu’à la surveillance que lui permet son repaire, et derrière ses écrans, Bruce Batman fait de l’analyse, laissant libre cours à son intelligence et à son sens de la déduction.
L’univers sombre des décors et la minutie fantaisiste de Tim Burton ne suffisent malheureusement pas à sublimer le scénario trop faible, centré sur les magouilles et l’aspect polar plus que sur le personnage duel de Batman / Bruce. Et le machisme de surface qu’affiche Bruce face aux femmes pour ne pas montrer son désir manque de finesse autant que Tim Burton qui s’amuse de la franchise en oubliant d’investir sa créativité narrative habituelle.
Matthieu Marsan-Bacheré