Beaucoup pense, à raison, que Batman et Robin, la perle rare avec Clooney en Wayne, a achevé l'homme chauve-souris sur grand écran. Toutefois, ce que nombre néglige, c'est que pour avoir abattu si aisément le superhéros, il était déjà bien blessé, laissé pour mort par ce troisième opus sidérant.

Quelque part, je pense que le ratage complet du film est dû non pas à une volonté de meurtrir le héros, mais à des choix qui, sur le papier, devait avoir leur petit effet et qui, une fois sur pellicule, rendent horriblement mal. On parle beaucoup du fluo. Oh oui. L'idée n'était peut-être pas idiote, à la base et même, quelques effets paraissent avoir requis la meilleure volonté. On s'étonnera donc à l'écran de l'effet incroyablement horrible du rendu, avec des scènes aux couleurs apocalyptiques (allez, citons la scène de baston de ce cher Dick face à un gang de méchants et ses peintures lumineuses sous lumière adéquate ou le passage durant lequel Edward Nigma présente son invention maléfique aux têtes de Gotham). Même la Batmobile subit un lifting du plus mauvais effet, rebaissant sa ligne épurée qu'on avait découvert avec les métrages de Burton à un tunning de goût douteux. Pourquoi ? Sans doute le désir profond de Schumacher de rompre avec le gothisme affiché de Burton et de revenir à quelque chose de plus proche de ce que le réalisateur imagine être "une influence comics". Cela doit simplement faire très longtemps qu'il n'en a pas ouvert un...

En fait, je crois que ce qui me choque le plus, ce sont les acteurs. D'ordinaire, on les connaît pour des prestations plutôt bonnes (bon, à l'exception de Chris O'Donnell, mais à son égard, je ne peux rien faire). Prenons Val Kilmer, par exemple. Il est bien. A l'époque, il n'était pas encore trop gros et représentait, à sa façon, une forme d'idéal ténébreux. Eh bien, dans Batman Forever, il a juste l'air nigaud. Régulièrement. Et les gros plans sur son visage ne vont pas dans son sens : même lorsqu'il porte le masque, il parvient à écarquiller suffisamment les yeux pour que l'on saisisse toute la stupeur de ses expressions. L'apogée de cet forme d'état de grâce étant atteint lors des scènes l'opposant à une Nicole Kidman nymphomane, livrant une prestation de chatte en chaleur, affichant une moue de désir pervers sur chaque plan dans lequel elle apparaît. C'est bien simple, le rôle qui lui a été confié semble transpirer l'envie de baise intense, brutale et sauvage tant et si bien qu'on suppute que le scénariste qui a écrit le personnage devait travailler dans le pr0n avant d'être débauché pour Batman. Du coup, on ne peut pas dire qu'elle joue mal... elle est simplement dans son rôle - avec les risques que cela implique pour sa crédibilité. Mais il faut surtout s'intéresser aux autres. Dick Grayson, par exemple. Oh, j'avoue, je suis de ceux qui n'apprécient guère Robin pour ce qu'il abîme consciencieusement l'isolement de Batman. Cette appréhension est visiblement partagée par les scénaristes, qui écrivent un rôle idiot et obligent Chris à camper un Dick adulte - mais baigné d'une bêtise toute adolescente, créant un personnage bougrement insupportable. Avec un costume incroyablement horrible. On passera sous silence la prestation de Carrey : un confrère senscritique le disait en roue libre, faute de direction appropriée et c'est précisément le cas. Jim Carrey est édifiant de nullité. Je ne m'en prends pas à lui sur l'entièreté de sa carrière, ceux qui la suivent de près savent qu'il est pourtant un acteur compétent. Non, dans Batman Forever, il semble se purger en direct de toute la clownerie qu'on lui impose, une sorte d'édifiante catharsis à laquelle, pauvres spectateurs, nous sommes complices malgré nous. Peut-être était-ce nécessaire pour qu'il puisse enfin avoir des rôles dramatiques à sa mesure... On dira ça pour se rassurer. Mais je pense que le vrai malheureux de l'histoire est Tommy Lee Jones. Les rôles qui lui siéent le mieux demeurent ces personnages taciturnes, butés, dont la profondeur d'âme se révèlent lentement, grâce à ce regard glacial, précis. Dans Batman Forever, son Double-Face est tout à fait le contraire : extravagant, gueulard, balourd et bêtement violent, il n'a - d'une - rien du personnage d'Harvey Dent et - de deux - rien de la classe que porte merveilleusement bien monsieur Jones. Qui pourtant est un magnifique acteur, ici employé dans un contre-rôle si absolu qu'il en devient légendaire. Et certainement pas dans le bon sens du terme.

Au final, Batman Forever ressemble à une adaptation pop-fluo-délire du justicier masqué, un objet kitsch si intransigeant dans sa volonté de se défaire de tout - même du bon goût -, un cimetière à talents gâchés, à effets visuels meurtris, si parfait et absolu qu'on ne peut qu'être admiratif devant cette exhaustivité de mauvaises idées, avec pour résultat une horreur sans nom qui ne pouvait accoucher que d'un Batman et Robin dont le beau Georges cauchemarde encore la nuit...

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le 6 févr. 2012

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