Batman: The Killing Joke est l’adaptation d’un des meilleurs, voir le meilleur, Comics de Batman. L’histoire semble de prime abord assez classique et propose un traditionnel combat entre Batman et le Joker. Mais rapidement l’on s’aperçoit que le scénario nous entraîne dans des chemins bien plus tortueux et sombres que de coutume. Pour résumer en deux lignes mon avis sur le film, je dirais qu’il est génial mais qu’il m’est impossible de lui mettre plus de 3/5. Cela peut sembler paradoxal mais je vais m’expliquer. Killing Joke est probablement l’adaptation la plus sombre de Batman porté à l’écran (plus encore que The Dark Knight) et la psychologie des trois personnages principaux (Batman, le Joker et Batgirl) se révèle parfois carrément dérangeante. Mais à côté de cela cette version cinéma souffre de quelques énormes ratés empêchant véritable l’œuvre d’atteindre les sommets auxquels elle était destinée.
Je vais directement commencer par les points négatifs histoires de pouvoir m’étaler ensuite plus longuement sur ce qui fait de Killing Joke une œuvre unique. Avant même de parler du scénario, je me dois d’évoquer la technique. Etant principalement destiné au marché vidéo (la projection en salle étant limité à 2 jours en exclusivité), le film ne bénéficie pas d’un très gros budget. Il en résulte une animation assez simpliste et limitée techniquement. Sans être raté, elle reste quand même très pauvre et ne rend pas justice à la densité dramatique du récit. Cette limite budgétaire entraine également une durée assez courte. En seulement 75 minutes le film n’est pas le plus à même exploiter toutes les ficelles de son scénario. Killing Joke fait ainsi l’impasse sur la présentation de ces personnages et de son univers. Si pour les fans de la franchise Batman cela ne posera aucun souci, les profanes risquent d’être déstabilisés. Mais le plus gros problème du métrage vient pour moi de son introduction. Les 20 premières minutes se focalisant sur une intrigue qui se suffit à elle-même et n’aura au final quasi aucune conséquence et rapport avec la suite du récit. Hormis pour créer de l’empathie pour le personnage de Batgirl, cette introduction n’a pas forcément sa place. Alors certes, en l’état il s’agit d’un court métrage génial et franchement très surprenant (en particulier une scène entre Batman et Batgirl) mais son harmonie avec la suite du récit pose un réel problème. Cela donne au tout un coté bancal assez dérangeant et franchement mal venu. Sans avoir lu les comics, le spectateur va par exemple se demander tout du long qu’elle sera la place de Franz Paris dans la suite du récit. Ce genre d’attente, qui resteront sans réponses, ont un aspect très négatif sur l’ensemble.
Voilà donc pourquoi je ne peux objectivement pas mettre plus que 3 étoiles au film. Pourtant, les raisons de mettre 5 étoiles seraient nombreuses ! Comme je l’ai dit, il s’agit de l’adaptation la plus sombre de Batman, sans rien spoiler je me suis quand même dit à deux reprises : « ah oui, quand même, là ça va loin ! ». Le Joker trouve sa pleine puissance dans ce film et prouve qu’il s’agit clairement du meilleur personnage de l’univers DC. A la fois complètement fou et totalement cohérent dans sa philosophie, il représente une menace inédite à l’écran. Bien plus dangereux et moins drôle que la version de Nicholson, il est également bien plus fou que la version de Ledger. Le voir hurler à Batman : « Pourquoi t’amuses-tu à toujours vouloir m’enfermer à l’asile alors que tu sais que cela ne me dérange absolument pas ! » en dit long sur son état mental. Outre nous présenter les origines de sa folie, le film nous offre aussi une relation très troublante entre son personnage et celui de Batman. Déstabilisant, celle-ci nous les présentes comme deux faces d’un même miroir. Terriblement proche et complémentaire les deux vedettes semblent en permanence être sur le fil de la rupture mentale (l’un l’ayant franchi de peu, l’autre pouvant la franchir à tout moment). L’apogée est atteint lors des dernières minutes, riche en interprétation, où le duo se retrouve vraiment sur un pied d’égalité lors d’un échange jetant un véritable trouble sur leurs relations.
C’est vraiment ça la force de Killing Joke, cette capacité à tisser une densité psychologique surprenante et déstabilisante au travers de personnages que nous pensions connaître sur le bout des doigts. Par sa noirceur, son intelligence et sa subtilité il pousse un genre devenu terriblement balisé dans des retranchements inédits. Même si le film ne rend pas toujours justice à la puissance du récit, il se montre tellement anachronique au sein des adaptations de comics qu’il doit être vu. Cependant, une théorie prétend que pour faire un bon film il faut trois choses : une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. Cette adaptation prouve que pour faire un chef-d’œuvre il en faut malheureusement un peu plus.


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le 5 janv. 2017

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