"Ses yeux étaient comme une flamme de feu ; par dessus son costume était un slip rouge."

Superman vient de sauver Metropolis d'une invasion extraterrestre qui a détruit en partie la ville. La population et Bruce Wayne sont vénères contre l'homme qui a attiré tout ce bordel dans notre bonne vieille Amérique, qu'il a sauvé de l’apocalypse ou non. Mi-homme, mi-Dieu, il n'en demeure pas moins un parasite qu'il faut exterminer. Les capitalistes que sont Bruce Wayne et Lex Luthor sont prêts pour l'OPA, nom de code : kryptonite.


Batman contre Superman, l’Alpha contre l’Oméga, en l’occurrence les deux premiers super-héros de l'histoire des comics américains s'affrontent sur grand écran alors même que tout semble les opposer. La chauve-souris est le plus cinématographique de tous, sa noirceur s'est adaptée à toutes les époques et tous les styles avec le regard de cinéastes comme Tim Burton ou Christopher Nolan. A contrario, l'homme au slip rouge n'a jamais réussi à réellement décoller des planches de bandes dessinées. La faute a une variable psychologique bien moins épaisse puisque le bonhomme est carrément invincible et fort peu loquace. Dans la multitude de sorties ciné que se partagent Warner/DC et Disney/Marvel, une habitude désormais quasi-mensuelle, on se retrouve face à un plaisir, celui de retrouver ce bon vieux Batou ; et une crainte, celle d'une purge infâme à l'image de Man of Steel.


Je ne vais pas refaire le même pamphlet sur la qualité moyenne des films de super-héros mais il est clair qu'on attend plus grand chose aujourd'hui de ces productions. Il y a surtout l’espérance de ne pas tomber sur une énième bouse qui ferait passer le moindre sentiment intellectuel pour un horrible blasphème face à l'industrie de l'entertainement. Ce qui ne vas pas avec les nouveaux films de super-héros (et la plupart des anciens en fait), c'est de nous montrer des surhommes qui font tellement de dégâts pour sauver le monde que plus personne n'en a rien a branler tellement les situations que les mettent en scène sont invraisemblables. La destruction de villes entières par des vaisseaux géants venus des confins de l'espace semble être une idée si révolutionnaire que les scénaristes l'utilise dans chaque films de Transformers ou des Avengers.


A la grande joie des spectateurs un tant soit peu éclairés que nous sommes, ce Batman v Superman arrive à injecter une dose d'originalité en ne mettant pas uniquement le paquet sur les destructions. Zack Snyder n'a pas reproduit les erreurs de Man of Steel pour même donner la représentation la plus marquante de Superman au cinéma. Face à Batman, qui est le héros à notre échelle, il a bien fallu calmer sa toute puissance pour que les deux protagonistes puissent se faire face. Le spleen de la chauve-souris est omniprésent et il se bat contre ses démons avec en point de mire son impossible vengeance face au meurtre de ses parents. Celui-ci, archi-revisité à toutes les sauces, nous est encore ressassé au début du film. Superman gagne quant à lui largement en consistance avec l'excellente idée de le transformer en... Jésus Christ ! Et oui, le fils de Dieu prend les traits de l'Homme Super avec un slip rouge reconnaissable parmi des milliers au lieu d'une couronne d'épine sur le crâne. Henry Cavill lui même explique dans Première la difficulté de rendre son personnage attrayant et ciné-génique :



"Superman est figé dans un idéal américain suranné et enchainé à un certain nombre de contraintes. Comment le rendre attrayant ? En
explorant sa psyché d'homme d'acier. Cela nécessite un film [...] où
il n'est plus cet extraterrestre inadapté à la découverte de lui
même.
" Henry Cavill



En plaçant l'histoire dans une optique réaliste, le film essaye de se demander comment réagirions nous si Superman existait vraiment. Ses caractéristiques (il vole, il est invincible, il est surpuissant) font de lui une représentation christique qui pousse les masses à l'aduler. La mise en scène se régale de cette symbolique en faisant apparaitre le super-héros dans des postures surnaturelles : immobile dans le ciel avec sa cape au vent ou encore fixe au milieu d'une foule qui le remercie les genoux à terre, alors que certains tentent juste de le toucher. Il se dégage quelque chose de mystique de cette problématique, mis en forme par la capacité indéniable de Snyder à faire des plans très très stylés (parfois pour le pire, certes). Dommage que ce cher Superman n'ait pas le temps de s'expliquer devant l'Amérique, et donc devant le monde, pour se défendre de ses allégations religieuses : "on a pas le même slip, mais on a la même Passion. Hallelujah !" Le fait de voir un mortel comme Bruce Wayne affronter Dieu a quelque chose de fascinant, même si nous savons très bien qu'un tel combat est perdu d'avance.


Le combat entre les deux hommes est d'ailleurs le tournant du film qui le fait basculer du côté obscure de la banalité. L'affrontement a de la gueule avec un Batman à la combinaisons métallique, armé de gadgets multiples et surtout d'un sceptre de kryptonite à faire pâlir Râ et Anubis réunis. Après cela, les considérations métaphysiques sont balayées pour passer à la DESTRUCTIOOOONNN ! Terminées les bonnes idées puisque le climax n'est autre qu'un combat contre un troll géant cloné sur 53 265 jeux vidéo (+ le Leader Snoke de Star Wars 7), où il faut tout casser pour montrer à quel point le méchant n'en a rien à foutre du mobilier urbain. Évidemment il est coriace le bougre : bombe nucléaire dans la tronche ou pas, il ne bronche pas. Une référence directe à la très discutée mort de Superman dans les comics. En clair, tout cela n'a vraiment pas de sens même si, je tiens à le préciser, on a déjà vu bien pire. Dans l'ensemble, les scènes d'actions sont d'ailleurs de qualité inégale. Passer derrière Nolan (et surtout The Dark Knight) enlève pas mal de saveurs à un montage sans génie d'une chauve-souris dans sa Batmobile, ou à travers des combats identiques aux dernières adaptations vidéoludiques de Rocksteady.


Nous avons vu que sur le plan visuel, Batman v Superman a quelques arguments. Snyder aime styliser ses images, jouer sur les contrastes, et il faut bien dire que certains moments sont particulièrement sympa et rendent les personnages bien badass, au point certes de flirter avec le hors-sujet. Je pense notamment à cette scène post apocalyptique où Batman se balade sapé avec un flingue et une veste de cowboy pour aller buter la secte de Superman composée bien évidemment de nazis cagoulés. Ceci est totalement WTF mais vachement classe à regarder. Les digressions, il y en a quelques unes et on ne comprend pas bien où cela veut en venir. Certes, on se doute bien qu'il faut installer quelques portes ouvertes pour les prochains films, La Ligue des Justiciers en tête. A ce propos, Wonder Woman fait son apparition et elle ne sert vraiment à rien à part être introduite. Dans l'univers étendu Warner/DC bande de sagouins...


Terminons sur le casting car hormis la présence de Miss Israël, il y a le bon vieux Ben Affleck. Celui-ci avait été lynché sur les internets au moment de son officialisation dans le rôle de Batman pour des raisons obscures telles que "il n'a pas la gueule de l'emploi". Dans ce cas, que dire de Christian Bale dont le charisme moulesque a montré Bruce Wayne comme un dépressif nanti (:troll:). Pas transcendant non plus, Affleck n'est pas pour autant un mauvais choix et colle bien à l'image que nous pouvons avoir du personnage. Henry Cavill, on connait depuis Man of Steel puisque son personnage a plus d'épaisseur cette fois, il passe largement mieux mais restera toujours très dépendant de ce que les scénaristes feront de lui. C'est surtout sympa de voir Jeremy Irons jouer Alfred qui devient le rôle hype pour les acteurs immensément respectables ; mais le grand chamboulement est l'interprétation de Lex Luthor par Jesse Eisenberg. Pour ancrer le personnage dans une réalité contemporaine, l'homme d'affaire machiavélique est devenu Mark Zuckerberg car tout le monde le sait, les boss du XXIème siècles sont de geeks cools et pas très à l'aise en public. La tentative n'est pas en soit une mauvaise idée mais quand un méchant n'a pas l'air méchant, on peut considérer que c'est moyennement réussi (quoique la fin pourrait laisser augurer du mieux). Je laisse la parole aux spécialistes de comics pour se pencher sur la question.


Zack Snyder réussi a insuffler de la fraicheur à son adaptation de Batman contre Superman car il tente d’intégrer ces deux super-héros dans la réalité de notre monde, inspiré par une esthétique qui touche parfois les sommets. Cela est à l'image d'un récit qui navigue entre le bon et le mauvais, le déjà-vu et l'originalité, les clichés et la subtilité, le burlesque et l'épouvante. Un constat finalement positif qui rassure sur l'intemporalité de certains mythes de la culture populaire à se renouveler dans une certaine mesure, mais difficile de considérer que cela soit suffisant pour s'enjailler sur la cargaison de films à venir. En fait, il y avait clairement deux secondes de trop dans Batman v Superman. L'Aube de la Rengaine ?

ZéroZéroCed
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le 3 avr. 2016

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ZéroZéroCed

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Batman v Superman : L'Aube de la Justice
Kelemvor
4

Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

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