Collateral Beauty est l’archétype du long-métrage passant (relativement) incognito en dépit de sa distribution luxueuse, le genre que vous n’auriez jamais vu en temps normal à moins d’un heureux concours de circonstances. Sans s’étaler sur celles l’ayant mis sur ma route, un constat prévaut surtout après sa découverte : traiter du deuil relève encore et toujours de l’acrobatie périlleuse.
Plus en détail, c’est comme s’il y avait deux films en un : un premier dédié à cette douloureuse expérience, frontal dans son essence et délicat à dérouler, et un second brodant autour de sa thématique centrale une allégorie triple… pour autant de sous-intrigues connexes. Paradoxalement, ces dernières parviennent aussi bien à conforter les atouts de Collateral Beauty tout en le desservant, la faute à un effet meublage patent, une dispersion de ses ressources pas toujours indispensable.
Avec tout ce qu’il a d’extravagant, il faut tout de même convenir que le plan fomenté par Whit était de prime abord curieux comme captivant : embaucher des comédiens pour interpréter la Mort, le Temps et l'Amour, voilà qui n’est pas commun. À raison de plus que, dans la lignée de ce fameux deuil prédominant, ses prétentions thérapeutiques ajoutaient à l’originalité de la démarche : soulevant par la même occasion quelques questions et dilemmes moraux adéquats, Collateral Beauty se donnait les moyens de ne pas tenir de la coquille vide.
Toutefois, le résultat souffle le chaud et le froid : passé les premières rencontres, souvent « croustillantes », ses concepts font mine de délaisser leur cible, Howard, au profit des commanditaires eux-mêmes : dépeignant ainsi des infortunes diverses, dont l’intérêt ainsi que la pertinence (dans le contexte du film) seront inégaux, chaque allégorie aura droit à son application privilégiée. Le risque avéré étant donc que Collateral Beauty y laisse des plumes en intensité, harmonie et nuance. C’est d’autant plus regrettable que, en parallèle, la « rencontre » et « relation » que tissent Howard et Madeline est brillante de justesse, le scénario d’Allan Loeb démontrant d’un certain doigté en termes d’évocation, instillant longtemps chez le spectateur un doute tenace.
A contrario, nous nous interrogeons sur son objectif en faisant de sa fantaisie initiale un dénouement littéralement surréaliste : comme s’il changeait son fusil d’épaule, ou du moins comprenons-nous que la réalité n’était pas telle que nous pouvions le penser. C’est, reconnaissons-le, franchement malin mais, car il y a un mais, perfectible dans l’exécution : d’abord parce que cela s’attache une certaine forme de prévisibilité « forcée », ensuite parce que cette fameuse notion de « beauté cachée » n’est finalement guère mise en valeur par le long-métrage... du moins est-ce mon impression.
Bref, Collateral Beauty n’est pas inintéressant : certes très lisse dans sa forme, et parfois même très « banal » à l’image de cet humour latent à même d’éroder l’émotion à l’œuvre, le caractère casse-gueule de son sujet et le traitement qu’il y applique soulignent ses bonnes volontés et idées. Qui plus est bien servi par ses interprètes, efficaces à défaut d’excellence, celui-ci ne marquera pas le genre mais me trottera encore quelques temps en tête.