Trouvé par hasard et en cherchant bien... Ce documentaire se lit entre les lignes mêmes de Neubauten qui a composé la bande-son...
Je n'ai pu trouver ce documentaire qu'en anglais ou allemand (pas de sous-titre français), acheté en France. Mais peu importe, c'est un film universel. Voir aussi la critique sur l'album : http://www.senscritique.com/album/Berlin_Babylon_Bande_Originale/critique/16351110

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C'est saisissant comme ce phoenix ne connaît que la poussière et l'histoire de ces hommes qui naissent et qui veulent repousser les frontières à travers l'urbanisation et l'architecture. Les allemands s'emparent de leur ville comme un oiseau de sa brindille pour le nid.

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Construire, détruire, déconstruire.
Installer, déplacer, transformer.
Berlin, irradiée de son histoire, subit des mutations la menant vers des futurs polymorphes. Un lierre dans la brèche, la ville s'adapte comme elle peut, entre le chaos de la mémoire et la volonté des hommes de la maquiller comme ils la veulent.

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Extrait-clip "Architektur ist Geiselnahme" de Einstürzende Neubauten (version instrumentale) : http://www.youtube.com/watch?v=opA73140gA4

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Documentaire classique sur les plans d'urbanisme de Berlin après la Seconde Guerre mondiale. Le documentaire prend soudainement un autre sens avec la musique d'Einstürzende Neubauten, un groupe pour lequel le chaos est une normalité assise, le chantier une prise de position et une scène d'expression. Les entretiens avec divers acteurs de ce nouvel urbanisme sont entrecoupés de lents travellings avançant dans la ville ou plongeant sur la ville, comme s'il s'agissait d'une marche, d'une progression dans l'espace et le temps que je ne saurais qualifier tant elle est le fait de l'humanité et de son développement. J'avais le sentiment que ces travelling avant avançaient tête nue comme la lymphe, la source même du transport de toute vie.

Je finis sur un texte traduit de l'Ange de l'Histoire qui fait parti du film et de la bande-originale, un texte qui est un climax dans ce documentaire qui n'aurait pas été ce qu'il a été s'il ne s'était pas appliqué à donner un sens, un ordre aux démolitions et aux reconstructions : "Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte ses ailes déployées. C'est à cela que doit ressembler l'ange de l'histoire... Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d'événements, il ne voit, lui, qu'une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si violemment que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l'avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu'au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons... le progrès." (Walter Benjamin, à propos d'un tableau de Klee, Angelus Novus http://lh3.ggpht.com/_PmLxuaZUcaM/SsuqHGdrcEI/AAAAAAAABKA/Fgk_gICmvwg/Paul%20Klee%20'Angelus%20Novus'%201920.jpg )
Voilà donc le sens avant de cette musique, profondément marquée par les gravats mais qui, résiliente, sort de terre, renaît irrésistiblement.

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Revu pour la énième fois il y a peu : je n'avais jamais remarqué à quel point la population était dépossédée de l'endroit où ils vivent, à quel point ne jouent que les rôles de politiques d'intérêt et d'architecte de commandes aux ordres des grandes firmes.
Tellement évocateur de la deuxième moitié du XXème siècle !
Andy-Capet
10
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Créée

le 3 nov. 2012

Modifiée

le 15 oct. 2013

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Andy Capet

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