"Peut-être que je ne pars pas. Peut-être que je rentre chez moi."
Gattaca, c'est un film sur l'eugénisme et les dérives de la génétique, un sujet particulièrement actuel à l'heure où la prédiction des "anomalies" des enfants en gestation s'améliore de plus en plus. Vincent Freeman possède un bon aperçu de ces dérives, car les potentiels problèmes de santé qu'on lui a diagnostiqué lui valent un petit frère conçu dans des éprouvettes pour rattraper le coup, le regard condescendant de ses parents, et le privent de son rêve : voyager dans l'espace. Pour contourner l'obstacle que représente son patrimoine génétique, il va négocier l'identité d'un homme valide qu'un accident a privé de son glorieux avenir.
Sur la base de ce pitch, il y a beaucoup de sujets traités qu'il serait vain de détailler ici : le film le fait très bien, intelligemment, sans démagogie ni excès de pathos ; inutile de le singer.
Ces thématiques sont habillées d'un univers futuriste sobre et élégant, qui évite les effets beaufs : à part le centre de recherches spatiales, les plans en extérieurs sont rares et se contentent la plupart du temps de nous montrer des paysages naturels avec un filtre jaune faisant penser à un éternel crépuscule. En intérieur, seule l'excessive propreté et la discipline de "l'élite" rend compte de cet avenir plus ou moins proche. Certes les codes vestimentaires et le design des véhicules sont marqués par les années 90, mais ce n'est finalement pas déplaisant.
La force du film est probablement de se concentrer sur les thèmes qu'il aborde, épaulés par le rythme de l'enquête policière qui se déroule tout du long, en apportant juste ce qu'il faut de charge émotionnelle. Avec sa musique discrète mais efficace, il aurait pu être excellent. Malheureusement, deux ombres obscurcissent le tableau.
Premièrement, la scène d'amour, très mal placée dans le scénario et qui ne rime pas à grand chose. Choisit-on le moment où un homme qu'on connaît mal frappe un agent de police et vous entraîne dans sa fuite pour l'inviter à coucher avec soi? Voilà qui ne tient pas debout. De plus, le film aurait tout à fait pu se priver de cette scène pseudo romantique, registre dans lequel il se débrouillait bien jusqu'alors, avec Uma Thurman incarnant parfaitement une Irène Cassini distante et sensible (et à des années-lumière de la publicité pour Schweppes). Cela aurait ajouté aux regrets du héros, forcé de la quitter sans avoir pu conclure.
Secondement, le défi que se jettent les deux frères. Passent encore les courses de natation pendant leur jeunesse, et je suis pour l'idée d'une rivalité qui les poursuivrait jusqu'à leur vie adulte, mais cette dernière scène et la façon dont elle est introduite est plutôt ridicule. Comble : après cela le frère "parfait" s'évapore du métrage comme s'il n'avait jamais existé, alors que sa présence tout au long du film a une importance non négligeable.
Dommage que ces menus défauts (il y en a probablement d'autres, mais plus discrets) ternissent le tableau. Mais ne boudons pas notre plaisir : Gattaca n'est pas excellent, il est simplement très bon. Et il mérite amplement le visionnage.