Sunchasers. Test de notre empathie. Solidarité intergénérationnelle. Riche&triste à la fois? Statuts

Bon j'étais en train de faire compliqué et encore tarabiscoté et donc illisible or je n'ai plus le temps et pas le talent, donc je résume: un film qui rappelle que même riche et installé (...et sur SC), l'homme aisé peut être triste. Puis en voulant aider l'autre, il s'aidera lui-même…Je sais que ça sonne gnagnan pour beaucoup mais les acteurs même secondaires font passer le tout pour notre plus grand plaisir et souvenir.
Patrick Chesnais joue un peintre fatigué, même si riche et vendeur, il se sent "vidé". Comme Jacques Brel l'a souvent chanté quand il était "lassé d'être chanteur" même si "une banque à chaque doigt" (La chanson de Jacky.)


Son aisance, maison et succès testent notre empathie:



On connait grâce à l'école que "Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir" (Jean de La Fontaine, Les Animaux malades du Coronapeste).
mais je remarque de nos jours que
"Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cours médiatiques sur votre tristesse vous rendront vraiment malade ou complaisant envers vous-même".
Jim Carrey le dit autrement et mieux que moi dans un bonus du Grinch où il explique que ses heures de maquillage et lentilles torturant ses yeux n'apitoyaient personne...il sentait que:
" ...même si j'avais une tumeur au cou de la taille d'une autre tête, les gens diraient
"boh! pour l'argent que vous gagnez, j'en mangerais une comme cela chaque matin!"



Bref, il y a dans l'air cette idée que les riches n'ont pas le droit d'être tristes ou dépressifs.


Il est vrai que des études confirment que le manque de revenus affecte hélas les fonctions cognitives des pauvres. D'ailleurs les personnes avec un revenu minimum décent, libérées d'un peu de soucis, ont soudainement meilleur raisonnement et logique et s'occupent encore mieux de leurs enfants. (ce qui est meilleur pour la société en général et compense le budget "revenu universel" si controversé).


(Bien sûr que c'est plus difficile d'avoir de l'empathie pour un triste qui est riche, talentueux et casé la même semaine où on nous rappelle que des infirmières en CDI dorment dans leur voiture).


...en plus, le bonhomme a un bon beau chien! Que veut-il de plus?
Il a un chien et il est pas encore content ce gros bébé (...Cadum, comme celui de son enfance).


Et pourtant on compatit tout le film. On sourit. On est ému.
Il aide un soir une ado en détresse et ils commencent un bout de chemin ensemble.



La perception de l'autre et l'anecdote au sujet de Rossini:



La fille lui reproche de lui avoir menti même si par omission. Elle ne sait plus comment lui parler, comme s'adresser à lui car elle a enfin découvert que son nouvel ami n'est pas peintre en bâtiment comme Bourvil dans La Grande Vadrouille mais un grand peintre, connu et vendeur un peu comme un Jack Vettriano... Sauf que ses tableaux "alimentaires" ne sont pas des couples dansant à la plage mais une femme mystérieuse en bord de mer regardant au loin:



"une fois avec chapeau...une autre fois sans...depuis 10 ans." (lui dit avec franchise son meilleur ami, lui sculpteur, joué avec délectation par Jacques Weber).
Cet artiste a vu son ami se fourvoyer et perdre son élan vital créateur de tableaux.

Leurs ventes remplissent son frigo mais pas son égo.
Ils le nourrissent mais ne l'épanouissent plus.
(Roinron me signale à juste titre que cette confusion de peintres rappelle aussi Bourvil et Gabin dans La traversée de Paris quand "Bourvil demande à Gabin son métier et qu'il lui répond qu'il est peintre. Comme on est dans un vieux troquet tout le monde pense qu'il est peintre en bâtiment, alors qu'en fait il est artiste".)




La perception:



L'ado ne sait plus comment parler à son vieil ami maintenant qu'elle sait qu'il n'est pas qu'un vieux salarié déprimé mais un grand artiste en manque d'inspiration: Un 'Gros Lot' (comme s'appelle aussi un film de Preston Sturges sur la perception sociale: celle d'employeurs et amis sur un des leurs change du tout au tout le jour où à tort ils pensent que leur collègue a gagné un grand concours).


Je me demandais si ce que raconte le peintre Chesnais au sujet du compositeur Rossini était vrai. Je cherchais et ne trouvais pas donc j'en concluais que c'est faux et inventé.
Or je viens d'enfin voir la tête de ce "grand" Rossini et surtout son regard amusé sous l'objectif de Nadar et soudain je crois l'anecdote:



Patrick Chesnais, pour atténuer la gêne soudaine de sa nouvelle jeune amie ado qui vient de découvrir son vrai statut social et ne sait plus comment lui parler, lui raconte:
_"Un jour une fan timide approche Rossini et lui demande comment l'appeler: "Son Excellence"? "Maître?" "Monsieur?" etc.
Il aurait répondu: "Appelez-moi seulement ...mon gros lapin".
(Rossini en Donnie Darko?) ^^



**


Donc c'est l'histoire d'un "vieux" qui a encore une crise d'ado à 60 ans et qui croise une ado en crise. Il est tout triste alors "qu'il-a-tout-pour-être-heureux", "qu'il-a-tout-pour-plaire", comme disait ma maman et comme on dit tous et comme sa femme lui dit et comme l'ado lui dit... mais vous ne comprenez pas que c'est pas tout! Autrement dit:

> "Le grand secret c'est que personne n'est jamais vraiment heureux"".L'homme est un animal inconsolable et gai" me précise Pierrick_D de SC rapprochant Chesnais du personnage de Jacques Dufilho dans 'Le crabe-tambour' et de Jean Anouilh).



**
Le bien-être matériel n'est pas/plus suffisant: une série de films vus plus récemment tentaient déjà cette pédagogie. Par exemple, Patrick Chesnais rappelle l'homme aussi en crise dans le très récent Chien Stupide d' Yvan Attal/John Fante qui commençait aussi par un homme en voix off chouinant, se plaignant, malheureux "comme les pierres"...
...mais le tout quand même au volant d'une Porsche roulant de nuit, rentrant chez lui dans sa grande maison avec piscine (en bord de mer…) et beaux enfants et belle femme intelligente et drôle à la maison. Détails rédhibitoires à l'empathie? (la mettant à l'épreuve).
Et Chesnais me rappelle aussi Solal que je venais justement de croiser la même semaine chez Albert Cohen dans Mangeclous (le film) me disant:



"ne pas réussir est triste, réussir est encore plus triste"
(dit par Samuel Labarthe en Solal, "le prince du clan, le brillant haut fonctionnaire à la Société des Nations à Genève" mais qui s'ennuie).



Leurs statut et situation sociale chatoyants aveuglent et trompent.
Notre empathie est mise à l'épreuve, celle de sa femme aussi



elle l'abreuve de bulletins météorologiques ^^
"Il fait beau, tu devrais sortir" "Il fait soleil, tu peux sortir" "Tu as tout pour toi" "Je te demande qu'une chose...le gigot"
Excellente Miou Miou outrageusement encore sous utilisée.



Notre empathie est mise à l'épreuve. mais j'en ai beaucoup eu et je suis ravi d'avoir passé ce beau test.



Les courtes scènes chez des commerçants sont très bien dirigées et crédibles:



_ Martin Borg et Urbain Cancelier (encore en commerçant) excellents en couple de bouchers "levés à 5 heures" et réglés comme des horloges qui doivent fermer "entre 13 et 15 heures" et dont la mauvaise humeur rencontre soudain plus forte qu'elle en la personne de Chesnais (bonne scène!).
_Je remarque encore un Xavier Gallais en arrogant serveur snob.
_Didier Benureau encore reptilien à souhait en vendeur de fusil peu regardant (et me rappelant encore Charles Dullin notamment dans Volpone).


Je suis surpris de ne pas voir d'autre film sur la page de Jeanne Lambert dont je découvre le papa...Jean Yves Lafesse. Elle tient très bien le coup face à Chesnais et rend son abominable situation sociale crédible


metoo..


Mais surtout, l'histoire et la destination ensoleillée de ce mini roadmovie m'a ramené à la mémoire avec énorme plaisir le film de Michael Cimino, Sunchasers:
où déjà deux âges et deux statuts sociaux opposés se rencontrent et finalement s'entraident.
et où levers de soleil, aube et aurores jouent aussi un beau rôle.

PierreAmo
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le 5 mars 2020

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