"Eyes are the windows to the soul !"

Peignant un délicieux portrait de femme tiraillée dans les affres de la vie et de l'art, Tim Burton, flegmatique et allégé, fait de Big Eyes un de ses films les plus personnels. Le cinéaste abandonne pourtant totalement sa pâte expressionniste et mélancolique, embrassant la réalité kitch et colorée de la banlieue de Edward Scissorhands, du réel émancipé de Big Fish, étreignant une grisante naïveté alors que l'humour caresse une effroyable emprise. Burton s'abandonne dans une certaine blancheur candide, pour alors affirmer à travers le récit véritable de Margaret Keane un constat doux-amer de sa propre carrière. Derrière la comédie dramatique à la narration et à la plastique limpides émerge un sous-texte fascinant, celui d'un artiste en proie au système, et plus subjectivement d'un cinéaste dans la toile des grands studios. La folie douce de Burton s'invite subtilement lorsque la conscience du protagoniste reprend le dessus, dans les rayons artificiels d'un supermarché où son art s'affiche en pure produit de consommation, lorsque une petite fenêtre de liberté la reflète au sein d'un huis-clos étouffant. Ce film est une œuvre-reflet, tel les yeux invoqués comme miroir de l'âme, Tim Burton y posant joyeusement ses problématiques personnelles à travers les yeux d'une artiste troublée dans un maelström de mensonges publiques, d'usurpation, de copies de copies. Cette quête d'identité artistique sucrée s'achève sur un procès climatique et atypique, où le réalisateur nous regarde alors droit dans les pupilles : Big Eyes, modeste chronique de déceptions et de décisions, est l'ultime témoignage d'un Tim Burton qui peint sa conscience, déclare son âme et signe son contrôle sur le cinéma de masse qui pense le contrôler, déclin chuchoté dont il se sait définitivement libéré.
MaximeMichaut
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Last shots : pour une poignée de derniers plans...

Créée

le 17 mars 2015

Critique lue 366 fois

6 j'aime

MaximeMichaut

Écrit par

Critique lue 366 fois

6

D'autres avis sur Big Eyes

Big Eyes
Jambalaya
6

Peindre Ou Faire La Moue...

J'ai longtemps attendu que Burton cesse enfin de bégayer son cinéma, qu'il soit de nouveau capable de faire du neuf avec du vieux, de rester dans un univers identifié, tout en nous montrant qu'il...

le 25 janv. 2015

56 j'aime

20

Big Eyes
EvyNadler
7

Des œufs bleus dans les yeux

??? Mais qu'est-ce qu'il raconte cet idiot du village ? C'est un 7 pour plein de petites choses. J'aurais pu mettre 5, 6, mais quand je fais l'état des lieux, je me rends compte que le résultat est...

le 24 mars 2015

55 j'aime

7

Big Eyes
Julien_Ytz_Reve
7

Un bon Burton est un Burton qui ne fait pas du Burton

Il aura donc fallu 4 ans à Tim Burton pour faire son retour... dans un quasi-anonymat! Après ses dernières (et plutôt critiquées...) réalisations, le cinéaste délivre ici un biopic au "modeste"...

le 29 déc. 2014

38 j'aime

6

Du même critique

Un homme idéal
MaximeMichaut
5

"Le sable était noir..."

À l'image de son titre fraudeur, Un Homme Idéal patine prévisiblement sur ses ambitions de thriller référentiel, mésaventure romantique d'un plagiaire glissant sur la pente rocambolesque du crime...

le 25 mars 2015

23 j'aime

The Homesman
MaximeMichaut
8

Critique de The Homesman par MaximeMichaut

THE HOMESMAN est un sublime western empli de folie douce, où Tommy Lee Jones encre son talent de metteur en scène en brouillant avec talent les limites entre réalisme et fantastique, âpreté et...

le 19 mai 2014

15 j'aime

Baby Driver
MaximeMichaut
8

Des promesses à tenir et des miles à parcourir avant de revivre

Fraîchement rejeté du projet Ant-Man par l'écurie Marvel, Edgar Wright s'est lové dans l'un de ses amours majeurs de cinéma, The Driver de Walter Hill, pour enfin donner naissance à un projet vieux...

le 22 juin 2017

13 j'aime