Adaptation d’une incroyable histoire vraie d’un champion du marketing qui, au début des années 1960, vendait les œuvres de sa femme au prix fort tout en s’adjugeant la paternité de celles ci, et donc de la gloire qui va avec.
Retour aux fondamentaux pour Tim Burton, soumis à une contrainte budgétaire à laquelle il n’était plus habitué depuis longtemps. En effet, avec 10M$ de budget, Big Eyes contraste largement avec ses récentes productions en termes de moyens, ce qui est l’occasion de le voir dans un cinéma plus traditionnel. Comme avec Mars Attacks, on comprend dès lors que Tim Burton est tout de suite plus intéressant quand il ne fait pas du Tim Burton. Exit les vampires, les gothiques et Johnny Depp pour ne garder que le noir aux yeux des dessins morbides de la dessinatrice Margaret Keane. Oui, notre Chevalier des Arts et des Lettres (ouarg) conserve toujours un élément qui est propre à son style.
Le choix de cette histoire n’est pas anodine non plus car Burton considère ces dessins comme une de ses inspirations, et cela se voit dans son gout souvent (trop) prononcé pour le fantastique aux accents émo.
En tant que tel, l’adaptation des évènements relatés dans Big Eyes est parfaitement cinégénique. L’escroquerie est tellement grosse qu’elle a tous les arguments pour se retrouver au cinéma. On est forcément captivé par l’ampleur de la chose, et à quel point cela devient un poids pour l’artiste qui se voit accoucher d’œuvres dont elle n’aura vraisemblablement jamais la paternité au profit de son vil mari. L’escalade du succès rend le secret toujours plus dur à garder, même l’entourage proche est convaincu que monsieur est un peintre génial en plus d’être ultra charismatique. Christoph Waltz endosse ainsi, une fois de plus, le rôle du méchant mais il faut dire que son personnage lui va à merveille. Avec son éloquence, son charme d’homme d’âge mûr et son sourire Polident, l’acteur autrichien est l’arnaqueur incarné.
Le comique n’enlève pas l’aspect dramatique de l’histoire amplifié par un monde où les femmes n’avaient que peu de considérations aux yeux de la société phallocratique encore en vigueur au début des années 1960. La peur de se retrouver seule avec un enfant sans le sous est la hantise qui force Margaret à garder son secret. Le bât blesse quand on se demande si sans son beau parleur de mari, les œuvres de madame auraient été reconnues. Mais finalement, là n’est pas le problème. On ne s’approprie pas le travail d’autrui, non mais oh ! Le couperet finit toujours par tomber… Ce qui nous amène au procès qui clôt le film, mais le personnage de Christoph Waltz baigne un peu trop dans la parodie avec une démarche théâtrale exagérée. Au cas où nous n’aurions pas compris que Walter Keane est vraiment un connard.
Big Eyes accomplit parfaitement la mission que l’on attendait de lui. En changeant de registre avec tout plein de couleurs dedans, Tim Burton sort de son illumination dark naïve et délivre un film divertissant, agréable à suivre et fort bien joué par les deux acteurs de talent que sont Christoph Waltz et Amy Adams. En dépit d’une narration très conventionnelle, le piment de cette histoire fait son effet pour le plaisir du plus grand nombre, même des témoins de Jehovah.
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