Billy,un adolescent,veut faire de la danse classique.Mais le moment et l'endroit sont mal choisis car on est en 1984 dans une région minière du Nord de l'Angleterre,un milieu et une époque où les garçons font de la boxe ou du foot mais pas une activité de tarlouze comme les entrechats.D'ailleurs il n'y a pas un seul gars à l'école de danse locale,du moins pas avant que Billy ne s'y pointe,au grand désarroi de sa famille qui a en plus d'autres entrechats à fouetter avec la violente grève entreprise par les mineurs.Pour son premier long-métrage,produit par la Working Title,Stephen Daldry a frappé fort avec cette fable sociétale sur la destinée et les rêves plus ou moins accessibles mâtinée d'analyse sociale à la Ken Loach.Le fond socio-culturel et géographique est prégnant dans "Billy Elliot",Daldry s'ingéniant à faire de chaque plan un tableau typique du milieu prolétaire british.C'est tellement bien foutu qu'il parvient à rendre beau ce morceau d'Angleterre déshérité,grisâtre,privé de soleil,ces alignements de modestes maisons de brique rouge au long de rues en pente.Maîtrisant parfaitement la profondeur de champ,les plongées et contre-plongées,la caméra portée ou statique et la largeur d'écran,il cueille magistralement les personnages dans l'image.Le ton alterne tragédie et comédie,même si l'ensemble est généralement sombre.Des flics apparaissent un peu partout et sporadiquement surgissent des scènes de violence entre policiers et manifestants,pendant que le jeune héros ruse avec tout le monde afin de satisfaire sa passion,ce qui n'est pas facile dans un contexte aux moeurs rudes et rétrogrades.Et puis les personnages sont magnifiques.Il y a Billy bien sûr,ce gamin têtu à l'insolence tranquille,aux réflexions toujours inattendues et à la bouille craquante de cockney,qui s'arrange sans broncher de toutes les situations.Sa famille est pauvre,sa mère est morte,il doit s'occuper de sa grand-mère Alzheimer et faire face aux rebuffades de son frère,un gréviste excité qui a la rage,et de son père,boule de douleur depuis qu'il est veuf.Malgré tout ça il ne perd pas de vue ses objectifs et travaille en secret avec madame Wilkinson,la vieillissante prof de ballet,une danseuse ratée qui a gardé le feu sacré et a suffisamment de nez pour repérer le potentiel de son protégé qu'elle aidera au maximum afin qu'il accomplisse son destin.Le père et le frère Eliot évolueront de belle manière,passant progressivement de l'hostilité totale aux projets du môme à un soutien inconditionnel au fil de scènes tendues devenant de plus en plus émouvantes à mesure que l'armure se fend et que derrière leurs abords rudes et bornés il devient évident qu' ils adorent en réalité le petit.La séquence-clé de Billy dansant avec défi devant son paternel lorsqu'ils sont seuls dans le gymnase fera basculer le récit,entraînant des moments bouleversants car,même convaincus,les Elliot n'ont pas l'argent nécessaire pour payer une grande école de ballet à Londres et le papa ira jusqu'à s'humilier afin de pallier le problème.C'est un beau film sur la working class,sur la passion,sur l'amour familial et sur la volonté,même si la dernière partie charge un peu l'aspect mélodramatique.Jamie Bell est une révélation d'enfer.Jamais déstabilisé,il rend sympathique un petit gars de l'Angleterre d'en-bas qui a trouvé sa voie et saura ne pas en dévier en dépit des embûches.Gary Lewis,une des gueules les plus marquantes du cinéma britannique, joue magistralement son père et nous offre des scènes d'une intensité exceptionnelle et d'une émotion terrassante,alors que Julie Walters et Jamie Draven apportent brillamment leur pierre à l'édifice.La musique joue évidemment un rôle crucial et porte le film,du "Lac des cygnes" au "London calling" des Clash,en passant par une flopée de titres de T-Rex.