Film regardé juste hier, je l'ai approché en raison de mon intérêt actuel pour le jazz. N'ayant connu en profondeur que les noms communs de Miles Davis et John Coltrane, c'était donc avec intérêt que je voulais me plonger dans la vie de Charlie "Bird" Parker, légende du bebop et saxophoniste de talent, mort en 1955, à 34 ans, en raison des excès si communs aux jazzmen. Et un film par Clint Eastwood, s'il vous plaît. La prestation de Forest Whitaker est particulièrement convaincante et, si l'on ressent la différence entre le son de saxo du film et les solos originaux de Parker "collés" sur ces scènes, la différence n'est pas trop importante pour être considérée comme un défaut. Au lieu de nous montrer seulement la vie "publique" d'un des plus grands saxophonistes de Jazz, Eastwood prend le pari de faire le contrepoint de la vie privée par la descente aux enfers d'un Parker toujours plus dépendant, rendu dépressif par la perte de sa fille. L'utilisation des flash-back à répétition, cependant, m'a assez vite fait une confusion; à un moment donné du film, je ne savais plus vraiment si l'on était en 1950 ou si on était déjà revenu en 1954-55.
Quelques points cependant me laissent interloqué dans la production du film. D'une part, s'il y a nombre de références aux membres de la Génération de Parker (Dizzy Gillespie, pour commencer, ainsi que Red Rodney et Bud Powell), il y en a en revanche peu pour la génération montante, comme Bill Evans, Chet Baker, Miles Davis, et surtout John Coltrane dont le style modal deviendra le perfectionnement de la technique de Parker. Les présenter, ne serait-ce qu'un peu, pourrait créer un semblant d'espoir au film en rendant compte de l'héritage de Parker et du bebop, et de montrer que le futur de la musique ne se résume pas au rythm' and blues que Parker semble tant déprécier dans le film.
Autre point, les quelques sous-entendus sur la ségrégation raciale américaine laissent le sentiment de malaise de la communauté afro-américaine très, mais très loin derrière les préoccupations musicales du Jazz, alors que Jazz et revendications afro-américaines ont toujours été très liées dans ce monde musical. Il y a tout au plus la phrase de Dizzy qui explique qu'il veut savoir tenir son quintet afin de prouver aux Blancs que les Noirs sont fiables, afin de ne pas leur donner le plaisir d'avoir raison sur le contraire, mais guère plus. C'était pourtant une époque où être jazzman ne protégeait pas du risque de lynchage policier, à l'exemple de Bud Powell, comparse de Parker tabassé par les policiers en 1945, lui causant de graves troubles psychologiques, où encore de Miles Davis passé proche de la mort devant le Birdland de New York, ce 26 Août 1959.
Au final, un film convaincant par la justesse de ses traits (pas de guimauve à l'excès), une belle utilisation de l'image et du clair-obscur que laisse déjà deviner l'affiche du film et une "double vie" présentée de manière juste et sans fard. Un biopic bien réalisé ; mais, honnêtement, provenant d'une réalisation signée Clint Eastwood, à quoi vous attendiez-vous d'autre ?