Comme Bernard, l'oiseau s'est tiré...

Je ne peux pas me targuer d'avoir de grandes connaissances en matière de cinéma. Aussi mon choix d'aller voir "Birdman" était fondé sur la seule présence de Michael Keaton, inoubliable Batman de Tim Burton et sur le pitch de base qui faisait forcément écho à sa propre carrière.


Au niveau technique, je trouve ça couillu d'avoir adopté le plan-séquence pour suivre la tragicomédie perpétuelle de Riggan Thomson. Le montage est tel qu'on se demande où ils ont coupé pour coller le plan-séquence suivant et donner une linéarité à l'histoire. Rien que pour cette prise de risque, le visionnage vaut le coup d'oeil. Ce choix de narration, sans cloisonnement permet au spectateur d'être constamment aux aguets sur la suite des événements, renforcé par un accompagnement jazzy dans les moments de tension savamment dosé.


Question scénario, le monde du divertissement en prend pour son grade: Hollywood formaté à mort qui ne propose que des films fadasses à la "vile populace", d'excellents acteurs à qui on propose rien de transcendant, l'égocentrisme de certains, le dédain purulent du milieu du théâtre, etc... Pour la finesse du traitement on repassera. Certes Michael Keaton est excellent dans le rôle du pathétique acteur sur le retour qui veut s'imposer à Broadway pour retrouver la gloire et acquérir enfin une respectabilité. Autant comme le dit si bien Emma Stone qui interprète sa fille, il n'est rien, son drame personnel n'est finalement peu de choses à l'échelle humaine. Sa quête de reconnaissance exclusive est soulignée dans une scène où sa fille, dans le cadre de sa thérapie, inscrit sur un papier toilette des traits représentant chacun 1000 ans d'histoire humaine et que son père utilise comme simple mouchoir, comparaison ironique du propre traitement qu'il fait subir à son entourage. Les comédiens sont bons, ils font le boulot, Keaton et Norton en tête. Le premier énième exemple de la star déchue qui avait tout pour réussir, le second en connard fini prêt à tout pour l'amour de l'art. Le second rôle qui arrive un temps soit peu à sortir du lot est Emma Stone, qui constitue le personnage le plus lucide de tout le film.


Et c'est ça le problème... La galerie de personnages est en quelque sorte éclipsée par les performances des trois précédemment cités. Ils servent de faire-valoir à un moment donné, sans qu'on ait le temps de s'attacher à eux. L'actrice quarantenaire névrosée contente de jouer enfin à Broadway, la maîtresse délaissée plus ou moins en cloque, le producteur sur les nerfs obnubilé par les recettes, l'ex-épouse déçue, la fille forcément ex-junkie, la critique de théâtre avec un balai dans le cul bien profond, etc...


Bref Iñárritu en fait un peu trop dans le cliché, certes réaliste mais qui aurait pu moins charger la mule pour un propos déjà fort riche à la base. Néanmoins il a le mérite d'enfoncer des portes ouvertes sur la vacuité du monde du spectacle et de son nombrilisme jusqu'à la gerbe. Cela n'a pas empêché Hollywood et sa cérémonie d'auto-branlette des Oscars de lui attribuer la statuette du meilleur film. Quelle ironie...

VesperLynd
7
Écrit par

Créée

le 8 mars 2015

Critique lue 6.1K fois

81 j'aime

Emma Peel

Écrit par

Critique lue 6.1K fois

81

D'autres avis sur Birdman

Birdman
JimBo_Lebowski
7

Rise Like a Phoenix

Iñárritu est sans aucun doute un réalisateur de talent, il suffit de jeter un œil à sa filmographie, selon moi il n’a jamais fait de mauvais film, de "Babel" à "Biutiful" on passe de l’excellence au...

le 12 févr. 2015

142 j'aime

16

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Birdman
Sergent_Pepper
4

Opening fight.

La promotion de Birdman était une double fausse piste. La bande-annonce se concentre avant tout sur les fantasmes blockbusteriens du personnage principal, qui n’occupent finalement qu’une portion...

le 6 févr. 2015

130 j'aime

45

Du même critique

Birdman
VesperLynd
7

Comme Bernard, l'oiseau s'est tiré...

Je ne peux pas me targuer d'avoir de grandes connaissances en matière de cinéma. Aussi mon choix d'aller voir "Birdman" était fondé sur la seule présence de Michael Keaton, inoubliable Batman de Tim...

le 8 mars 2015

81 j'aime

La Classe américaine
VesperLynd
10

Si vous aussi, vous détestez les animaux préhistoriques partouzeurs de droite, ce FLIM est pour vous

Un hommage aux films de la Warner diffusé sur Canal+ en 1993 avec la crème de la crème du septième art, en reprenant l'histoire de Citizen Kane. George Abitbol, l'homme le plus classe du monde est...

le 2 nov. 2014

78 j'aime

11

X-Files : Aux frontières du réel
VesperLynd
8

Désolé, il n'y a personne ici à part l'agent le plus mal aimé du FBI !

LA série dont j'étais accro gamine. Je l'ai visionné à nouveau, les 9 saisons, en mode marathon. De nature plutôt sceptique je me rapprocherai de Scully la cartésienne. Mais Mulder et sa quête de la...

le 30 nov. 2013

73 j'aime

29