Cette 71ème édition du Festival de Cannes fut sans aucun doute largement placée sous le signe des discours engagés, l’opportunité pour des cinéastes du monde entier d’exprimer leur point de vue sur la politique et la société. Naturellement, la présence d’un film de Spike Lee, auteur connu pour ses films engagés en la faveur de l’émancipation de la population afro-américaine, en compétition, s’avère logique. Cette année, il présente BlacKkKlansman, un film racontant l’histoire vraie d’un détective Noir qui enquêta sur les actions et exactions du Ku Klux Klan dans les années 1970. On s’attache rapidement à ce personnage engagé et volontaire, qui tente de se faire une place dans une époque charnière où la ségrégation et le racisme sont encore très présents, mais où les mentalités semblent, doucement, évoluer.


Quand on lit le pitch du film, on se demande, forcément, comme un détective Noir a pu intégrer le Ku Klux Klan, mais le déroulement de l’histoire permet la mise en place d’une situation qui permet de créer une sorte de dialogue violent entre, d’un côté, l’extrémisme du Ku Klux Klan et, de l’autre, l’incitation à une rébellion violente au sein de mouvements d’émancipation d’afro-américains dans la lignée des Black Panthers. Avec la mise en avant de ces mouvements, le cinéaste cherche certes à montrer l’oppression dont furent et sont encore victimes les afro-américains mais, surtout, à condamner l’extrémisme dans toutes ses formes. Au milieu de ces débats se trouve Ron, sorte de médiateur se questionnant sur l’évolution de la société et la capacité des différentes populations à trouver la paix : "Cela doit-il forcément déboucher sur une guerre des Blancs contre les Noirs ?"


BlacKkKlansman est plus un film de fond que de forme, privilégiant le discours, engagé, à la mise en scène, relativement classique et déjà vue. Sur le ton, il parvient très bien à assumer son statut de comédie, proposant quelques envolées jubilatoires et jouissives, tout en étant capable de faire preuve de gravité, n’étant jamais trop léger ni trop lourd. Spike Lee, ici, montre l’influence des discours, mais aussi des œuvres artistiques. Ici, il parle notamment de La Naissance d’une Nation de D.W. Griffith, un film qui, 100 ans après sa sortie, suscite encore de nombreuses polémiques, à cause de son ton résolument raciste qui, hélas, a durablement entaché sa réputation et celle de son réalisateur. Il demeure important dans l’histoire du cinéma quant à son aspect révolutionnaire mais doit aussi en effet rester un exemple quant à l’importance et au poids des discours que peut convoyer une telle oeuvre.


Avec BlacKkKlansman, Spike Lee réussit un film satisfaisant et intéressant, se permettant divers tacles à l’Amérique et à la politique de Trump, se servant de cette histoire passée en soulignant l’intemporalité de son discours, toujours d’actualité aujourd’hui. Avec un enchaînement final choc qui secoue le spectateur, BlacKkKlansman ne se permet pas simplement d’être satirique, il fait bien réfléchir sur la capacité à être conscient et fier de ses racines, tout en étant capable de faire des différences une force et non pas un facteur d’éloignement. En somme, Spike Lee réussit un bon film qui, sans être forcément très puissant, mérite bien d’être vu.


http://alarencontreduseptiemeart.com/blackkklansman/

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le 19 mai 2018

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