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Netflix au pays de merveilles : De l’autre côté du téléviseur

ATTENTION CETTE CRITIQUE CONTIENT DU SPOIL MASSIF !!!


Je ne pensais pas faire une critique de Bandersnatch à la base mais quand j’ai vue les commentaires le concernant sur Facebook, JeuxVidéo.com ou encore ici sur Sens Critique je me suis dit :



Mince, il y a tant de monde qui est passés à côté du message de ce film !?



Alors sans vouloir paraître présomptueux je voulais intervenir pour partager avec vous ce que moi personnellement j’ai compris de cette œuvre (et puis ça me changera des critiques de jeux vidéo ce n’est pas plus mal tiens).


Pour commencer, beaucoup on fait l’erreur de voir ça comme un jeu, les comparaisons avec les "films interactif" à la David Cage sont légion sur le net et pourtant je trouve cela totalement inapproprié. Déjà parce que, même s’ils peuvent partager des choses en commun, les codes et le langage cinématographique ne sont pas et ne seront jamais les mêmes que ceux du jeu vidéo. Dans un jeu comme Heavy Rain on contrôle son personnage, on l’incarne, on interagit avec plusieurs touches, parfois on cherche, on réfléchit, d’autre fois on nous demande d’avoir de l’adresse ou des réflexes. L’épisode spécial de Black Mirror ne propose rien de tout cela, on contemple, on écoute, on s’interroge et uniquement quand cela nous est demandé on choisit entre deux embranchements (avec un timing mais sans trop de pression). C’est d’ailleurs super bien géré pour que le film ne soit pas mis en pause et ne nous fasse pas non plus ressentir de blanc dans l’action, les transitions sont également extrêmement bien faites et pour ainsi dire invisibles, c’est une vraie prouesse technique qu’il me semble important de noter.


Enfin, quand je dis "on choisit", c’est justement là que le film prend tout son sens et nous montre qu’il n’a vraiment rien d’un jeu. Car NON, on ne choisit pas et c’est bien là tout le génie de cet épisode car c’est également le propos et la réflexion qu’il cherche à nous amener dans le scénario. L’épisode va d’ailleurs le dire explicitement plusieurs fois, notamment lorsque le personnage principal explique pour son jeu :



je voulais partir dans trop d'embranchements, finalement je vais les réduire, laisser croire au
joueur qu'il a le choix alors qu'il n'y en a aucun



Non seulement cette phrase est une métaphore de la réflexion des auteurs (le jeu étant une allégorie de l’épisode qu’on regarde et c’est d’ailleurs encore plus explicite quand celui-ci brise le quatrième mur et fait un parallèle avec la scénariste en train d’écrire l’épisode en question) mais ça fait également écho à ce que vit le héro qui est en faite une représentation du spectateur enfermé dans l'épisode (vous suivez ?). Netflix se joue de nous et là encore ils vont clairement nous le dire, lorsque le personnage commence à tomber dans la paranoïa et cris a qui veut l’entendre (c’est-à-dire nous) :



Mais enfin qui décide de ma vie ? C’est quoi ce bordel, répondez



Et qu’on nous propose le choix « NETFLIX ». Ainsi on comprend que ce n'est pas nous qui choisissons l’histoire mais Netflix qui nous emmène ou il veut. Et ça ne s’arrête pas là car il s’agit maintenant de le prouver et le film va alors faire preuve d’encore plus de génie en nous faisant remonter le temps pour faire « les bons choix » qui nous amèneront à « la vraie fin ». Mais attention, ce système de "flashback" ne va pas nous faire revivre ce qu’on a déjà vue, non non, il va nous amener complètement ailleurs, vers une suite de ce que l’ont a vue. C’est comme si Netflix avait déjà prédit les premiers choix que nous ferions, dans un film qui a pour but de nous dire « tu n’as pas de libre arbitre » c’est fort, très fort°.


D’autres éléments consistant à nous montrer ce non-choix ce font par l’absurde, quand par exemple la psychologue nous propose de mettre un peu de piment à l’histoire (en mode « il te fait chier notre épisode ? ») et qu’en répondant par l’affirmative on part dans un délire de combat ninja qui nous sort totalement du récit (j’ai trouvé ça hilarant). Ou quand le plan de caméra nous montre le plateau de tournage, toujours dans l’idée de nous dire que tout cela n’est qu’une mise en scène et que la vie est comme un film dont on a jamais vraiment le contrôle. Dernière chose encore (à confirmer cependant), il est impossible de sauver le père du héro ou Colin, peu importe nos choix encore une fois, tout est déjà écrit, c'est la vision des auteurs, pas la tienne.


Au final, je pense que cet épisode a été victime de sa communication. Il a sur-vendu son côté interactif afin de mieux surprendre le spectateur, ce qui en soit n’était pas une mauvaise idée, bien au contraire, mais finalement j’ai l’impression que beaucoup sont resté bloqué sur cette idée d’interactivité sans comprendre qu’elle était bidon et surtout pourquoi elle l’était. Sincèrement, je suis assez surpris de voir qu’une si grande partie de la communauté de fan ne soit pas aller plus loin dans la réflexion, c’est à se demander ce qu’ils ont put comprendre des précédents épisodes jusqu’à maintenant (qui ne sont pourtant pas moins complexe ou profond pour certains et souvent bien plus subtil)… J’avais peur justement que la série soit tombée dans la facilité et ne cherche qu’à créer du buzz autour d’un concept qui ne sied guère au cinéma, mais finalement elle reste fidèle à elle-même et utilise l’interactivité pour tenir un propos cohérent, en adéquation avec sa ligne directrice. Alors certes je n’ai fait qu’une run et il est bien possible que je vois d’autres scènes en faisant des choix différents mais je pense que fondamentalement le schéma narratif restera le même. Quelques soit la « time-line » qu’on aura emprunté « Frosties ou Kellogg's », « sauter ou ne pas sauter », on reviendra toujours à cette idée de non-choix grâce à ses flashback forcés. Ces pseudo-choix n’aboutiront qu’à de petites variables et des scènes bonus sans conséquences (comme les scènes absurdes évoquées plus haut).


Alors pourquoi je ne lui ai pas attribué un 10 après tant d’éloge ? Et bien pour être honnête je ne sais pas vraiment, disons que je n’ai pas trouvé le scénario en lui-même transcendant. C’est bourré de bonne idée comme on vient de le voir et ça émoustillera sans doute quelques nostalgiques des années 80 (ou les fan du Joueur du grenier qui auront reconnus le personnage de David Goodenough au casting) mais le délire psychotique du protagoniste n’est sans doute pas assez bien exploité tandis que les scènes burlesques (combat de Ninja, complot des parents, assassinat et découpe de cadavre) cassent un peu trop le récit malgré leur fonction justifié. J’aurais voulu un peu moins ou au contraire un peu plus de folie mindfuck qui ai du fond et qui ne soit pas uniquement là pour amuser le spectateur ou le surprendre gratuitement. Je suis resté un peu le cul entre 2 chaises avec le sentiment qu’il en faisait parfois trop et parfois pas assez, je ne suis pas sortie du film avec un grand « Waho » comme le laisse supposé mon analyse, je suis donc un peu frustré. C’est une expérience rafraîchissante, intelligente à bien des égards mais qui ne m’aura pas marqué autant qu’elle aurait dû... Par ailleurs, si le concept est intéressant dans la manière dont il est exploité, cela pause tout de même un souci d’exploitation car il est dépendant de son support streaming (quoi que ça pourrait aussi fonctionner sur Blue-Ray comme les menus interactifs des films Harry Potter qui ont réjouie mon enfance). En tant que pirate siflote je suis donc quelque peu désappointer (heureusement qu’un ami m’avait prêté son compte Netflix pour l’occasion) et au ciné ou sur les chaines de télé classiques ce n’est évidemment pas (encore) possible non plus... Netflix a apparemment fait un film avec un embranchement prédéfini (sorte de scénario standard) mais à mes yeux cela fait perdre tout son sens au récit qui comme je le disais n’est pas si exceptionnel si on lui enlève sa prise de conscience. Les choix sont factice oui mais intrinsèquement lié au message porté par le récit, et donc indispensable, ce sont eux qui apportent cette prise de conscience !


Pour conclure, je tiens encore une fois à souligner le travail remarquable de montage et surtout de programmation qui a rendu tout ça possible. Il y a tout de même 5h12 de scène au total pour une run qui dure entre 1h30 et 2h.


°Rien à voir mais ça me fait penser au coup de génie de Insaisissable premier du nom qui débute en demandant au spectateur de choisir une carte et nous la dévoile en directe. 1 chance sur 52 et ils sont tombé juste (pour moi en tout cas), j’avais trouvé ça très fort (aujourd’hui j’ai ma théorie sur la technique mais je ne vais rien dire pour pas spoiler, je vous invite à regarde cette scène et à essayer, en tout cas ça reste très bien exécuté la aussi).


Edit : On m'a fait remarquer qu'il y avait bien des choix avec de vraies conséquences qui mettaient en déroute tout mon raisonnement. Je pense que je n'ai pas été assez claire sur ce point de ma critique, j'y ai donc murmurant réfléchis et je pense avoir trouvé une formulation qui explicitera mon interprétation. Pour le dire simplement je pense qu'il n'y a pas un seul film à plusieurs embranchement mais bien plusieurs films à un seul embranchement tel des univers parallèle retraçant une seul et même histoire. En faite je me suis simplement posé cette question, "est-ce que je ressens le besoin de faire d'autre embranchement ?" et la réponse m'a semblé évidente, non... Non car quand bien même mon parcours serait différent du premier, le fond de réflexion et le propos, resteront inchangés, peu importe le cheminement et la conclusion obtenue.

Nixotane
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le 13 janv. 2019

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Nixotane

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