Dernier film français de Louis Malle, avant son départ et le début de sa carrière étasunienne, Black Moon ne déroge pas à la filmographie hétéroclite du réalisateur du Feu follet. Mis en scène juste après le controversé Lacombe Lucien, cette lune noire suit la règle établie que chaque film de Malle se dresse contre le précédent. Ainsi, après le semi-autobiographique récit d'un jeune paysan qui bascule dans la Collaboration, Black Moon se place « en marge de la réalité » pour reprendre les mots de son auteur, ce dernier signant ici son unique essai fantastique, teinté de surréalisme.
Écrit par Louis Malle en collaboration avec Joyce Buñuel (belle-fille du grand Luis Buñuel), l'histoire de Black Moon baigne, on l'aura vite compris, dans un climat surnaturel. Non content de croiser une licorne qui parle, Lily rencontrera également d'autres animaux doués de parole ou des fleurs qui chantent. Se défendant d'avoir réalisé un film onirique, le cinéaste affirmait au contraire, lors de la sortie du film en France en septembre 1975, sa volonté de retranscrire les incertitudes et angoisses de son époque. Soit. Plus manifeste, l'influence d'Alice au pays des merveilles ne fait aucun doute à la vision des diverses péripéties de la jeune Lily. Mieux, à l'instar d'un Salvador Dali qui fut également inspiré par le livre de Lewis Carroll, Louis Malle lorgne sans surprise vers les surréalistes, jonchant le long-métrage de quelques clins d'œil (au hasard les fourmis qui rappellent l'une des obsessions du peintre originaire de Figueras).
Adaptation personnelle des codes du conte de fées et de la mythologie passée au filtre Freudien, tournée dans la propriété du cinéaste, Black Moon ne s'embarrasse d'aucune cohérence. Aux spectateurs d'établir une quelconque et libre interprétation aux divers événements, à défaut d'obtenir une réponse claire lors du dénouement, comme dans le classique Carnival of souls de Herk Harvey ou Alice ou la dernière fugue de Claude Chabrol. Film aux personnages quasi mutiques, à l'exception notable de la matriarche qui communique par radio, ou converse avec son vieux compagnon Humphrey, un rat géant, Black Moon s'apparente, et ceci est sans conteste son principal défaut, davantage à une suite de scènes déphasées, tantôt réussies, tantôt bancales, de la fille qui donne le sein à sa propre mère, à la décapitation de l'aigle par le frère, qu'à un véritable poème surréaliste. Dommage.
Premier film de Louis Malle dont la photographie est signée par le talentueux Sven Nykvist, le chef opérateur d'Ingmar Bergman, Black Moon garde en dépit des réserves évoquées, quatre décennies après sa sortie, un pouvoir d'attraction intact, tant il s'y dégage une atmosphère d'étrangeté opaque.
A découvrir.
http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2018/04/black-moon-louis-malle-1975.html