Le nouveau Marvel ressemble quand même vachement aux anciens, passation mentor-élève (comme dans Ant-man), le méchant qui a la même tenue du héros mis à part qu’elle émet du jaune (comme dans Ant-man), baston générale sur le tarmac d’un aéroport (Captain America : Civil-war), flash back dans les premières dix minutes pour installer le vilain qui n’arrivera qu’une heure plus tard (1/3 de l’univers ciné Marvel)… Mais il faudrait être d’une sacré mauvaise foi pour ne pas constater qu’au-delà de ce carcan, Black Panther a une sacré ambition pour un film grand public, voire pour un film tout court.


Black Panther a malgré lui été immédiatement politisé, premier héros noir de l’écurie Marvel, il apparaît en 1966 quelques mois à peine avant le Black Panther Party, mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine d'inspiration marxiste-léniniste et maoïste (un peu comme la filmo de Godard mais pas pareil). S’ils n’ont aucun rapport l’un avec l’autre, à part le nom, cette coïncidence montre que les deux monstres sacrés Stan Lee et Jack Kirby avaient capté quelque chose de la question sociétale de la représentation des afro américains aux USA pour y répondre, à leur échelle, dans le monde des comics avec la création de T’challa. Se révélant précurseurs de la blacksploitation des années 70 que le monde du Comics embrassera aussi avec la création de Luke Cage ou Tyrok côté DC.


Marvel, comme pour les Gardiens de la Galaxie et Thor 3, a confié le projet à un réalisateur indépendant qui se retrouve propulsé sur un budget approchant les 200 millions de dollars avec un cahier des charges façon boulet de bagnard à la cheville. L’heureux élu est Ryan Coogler (après le refus de Ava Duvernay, réalisatrice de Selma), l’excellent réalisateur de Creed. On retrouve d’ailleurs sa patte : scènes d’actions brillantes mais rares et grosse emphase sur ses personnages, y compris ses secondaires. Tout comme dans Creed et Fruitvale Station (son premier film), la ville est un personnage à part entière de ses films. Ici le Wakanda, état fictif d’Afrique, fascine par son côté traditionnel poussé et sa technologie futuriste. On a un peu l’impression de voir star wars percuter le roi lion, surtout dans la première séquence de survol du pays au soleil levant dans une musique rappelant « L’Histoire de la vie » où un ersatz de faucon millénium passe des rhinocéros avant d’arriver au centre ville de Dubaï. Ça a le mérite d’être surprenant, d’autant plus que le film est bien plus proche dans ses mécaniques et son esthétique d’un space opéra africanisant que d’un film de super héros.


La grosse originalité du film est son univers portant ses thèmes, le Wakanda est un Etat isolationniste refusant toute immigration, refusant aussi tout contact avec les nations des colons du continent noir et dans lequel les traditions les plus tribales (on se fout sur la gueule pour décider qui est le nouveau roi) côtoient des prodiges « scientifiques » (voitures volantes, gadget lumineux à tout va, médecine extraterrestre). Cette espèce d’utopie va voir son mode de vie « vivons heureux, vivons caché » se confronter à ses responsabilités vis-à-vis du reste du monde, personnifiée par son méchant interprété par Michael B. Jordan (l’acteur fétiche du réalisateur), probablement le méchant le mieux écrit des films Marvel avec le vautour de Spider-Man : breakfast club, aux ambitions crédibles malheureusement saccagées par un tournant scientifique fou dans les dernières trente minutes.


Et c’est là le drame, si je peux passer à Black Panther son intro longuette, ses flash back répété pour installer une histoire pas passionnante de conflits familiaux, l’installation beaucoup trop longue de son univers et certains personnages absolument inutile aux moments de gloires poussifs (Martin Freeman par exemple), sa dernière demi-heure est un festival de facilité scénaristique où tous les thèmes jusque là évoqués : les conséquences actuelles du colonialisme, le racisme dans la société américaine, la difficile survivance des traditions, le nationalisme et l’immigration… sont censé être résolu par deux gus en effets spéciaux qui se mettent sur la gueule pendant dix minutes tandis que la bataille finale s’arrête quand personnage secondaire 1 s’entend dire par personnage secondaire 2 que la mort ça tue et que c’est pas bien d’être méchant.


Au contraire des gardiens de la galaxie qui fait figure de premier de la classe et qui jouent la déconstruction complète de leur genre, Black Panther adopte un ton sérieux qui lui dessert quand on se rend compte que comme dans tous les autres films de la saga, il est avant tout un divertissement ce qui rend son message plutôt naïf contrairement à, par exemple, aux premiers films X-Men qui portaient une sacrée métaphore de l’intolérance en allant très loin sur le sujet (on se rappelle cette séquence dans les camps de la mort ?). Toutefois, malgré/grâce à son esthétique ethnico-futuriste, ses bon acteurs bien utilisés 80 % du film et ses thèmes surprenant pour un divertissement grand public, Black Panther est un des Marvel les plus surprenant.

Cinématogrill
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le 18 févr. 2018

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