Blade Runner #1 : L’instinct de survie

Blade Runner, c’est au départ une rencontre ratée. Un premier visionnage à l’arrache, en français, en qualité sommes toutes sympathique mais pas optimale. Une rencontre qui se termine par une vive déception. Blazé. Je place Blade Runner dans ces chefs d’œuvres qui m’ont laissé froid.
Mais à l’approche de la sortie de Blade Runner 2049 (critique ici) signé Denis Villeneuve…l’envie de le revoir, d’avoir un second date avec ce flirt raté est là, présente, obligatoire, afin de ne pas aller voir la « suite » avec une quelconque ignorance qui pourrait me faire louper des références, des signes placé ici et là par Villeneuve.


Autant dire que j’aborde avec appréhension ce second rendez-vous, même si j’y ai mis les moyens : Bluray, version originale, une pièce confortable, du silence. Ce n’est plus un simple rendez-vous pour flirter, c’est un rendez-vous pour conclure. Soit ça passe et Blade Runner me touche en plein cœur, soit ça casse et Blade Runner reste à quai, il n’y aura pas d’autres rendez-vous.
Ce qui frappe dès les premières images, c’est la qualité de l’édition BluRay, du son, de l’image, du grain. L’image est magnifique et capte immédiatement la rétine. C’est scotchant, déjà…
Dès lors, ce nouveau rendez-vous se déroule comme un coup de foudre, chaque nouvelle étape, chaque nouvelle scène, chaque nouveau dialogue, nouvelle piste, nouvelle musique subjuguent la précédente.


Ridley Scott ne fait pas qu’une adaptation du roman de Philip K. Dick, il l’exalte, il l’exacerbe pour en tirer toute la noirceur, toute la violence et toute l’essence. Si Blade Runner est un mythe intergénérationnel, ce n’est pas seulement parce que son propos est d’actualité, c’est parce que Ridley Scott dépasse le propos, il propose une vraie interprétation de l’univers en posant une imagerie continuellement sombre, obscure, oppressante. Une imagerie faite d’ombre et de lumière. Une ambiance dans laquelle les personnages sont à la fois des acteurs et des pantins de leurs propres existences. Qui sont-ils d’ailleurs ces personnages ? Si l’identité de chacun d’eux est connue, Deckard, reste finalement un parfait inconnu. Son passé, ses origines restent mystérieux. Un parfait inconnu que R. Scott prend un malin à cultiver, comme quand ce dernier ne répond pas à Rachel sur le test Voigt-Kampff où qu’il se questionne sur la véracité de ses photos. On connaît la nature de ce qui l’entoure, mais la sienne n’est jamais confirmée.


C’est ainsi que l’on suit la mission de ce Blade Runner chargé de tuer un groupe de réplicants rebelles. Mais cette chasse n’est, objectivement, pas la trame "principale" du film. Sa relation avec Rachel est tout aussi pertinente, que dire de la cause de la rébellion des réplicants mais aussi de la relation entre humain et "non-humain".
Blade Runner n’est pas intemporel pour rien. Il questionne et remet en cause la base : l’humain. Il remet en cause ce qui est l’essence même de l’humain, ce qui nous définit comme humain : les sentiments, les souvenirs mais surtout la survie. L’être vivant dispose de l’instinct de survie.
Au delà de l’intelligence, des sentiments et des souvenirs, cet instinct, nous sommes les seuls à l’avoir. Il nous différencie. Enfin…il nous différenciait…car Blade Runner propose un futur où même certains réplicants auraient acquis cet instinct. Car toute l’épopée de Roy Batty, magnifiquement interprété par Rutger Hauer est définie par une seule chose : continuer à vivre au delà de la limite imposée de quatre ans par l’homme. Cette pépite finale, incroyablement amenée par Ridley Scott après un duel dantesque entre Harrison Ford et Rutger Hauer, remplit la boîte à question. Si même un robot détient l’instinct de survie, des souvenirs, des sentiments…Il ne reste plus grand chose pour nous différencier et c’est notre place au sein même de notre monde qui s’en retrouve remise en cause. Blade Runner pose aussi une sacrée réflexion sur l’esclavagisme « Q*uelle expérience de vivre dans la peur ! Voilà ce qu’est d’être un esclave* » - Roy Batty.


Blade Runner, sur le fond, est certainement l’un des plus grands films de Science Fiction de l’histoire. Son propos est quasiment universel, puissant, intelligent et excessivement visionnaire. Presque trop visionnaire quand on se dit…qu’en 2017, l’entièreté du film est encore d’actualité. On comprend le dérangement que le film à pu représenter en 1982. Car si un livre est connue, un film, quand il est réussi, à la puissance de l’image. Une image qui se calque, qui s'imprime, sur la rétine.


Et Ridley Scott l’a parfaitement compris. Comme quand il réalise Alien. La puissance de l’image et de l’ambiance dépasse tout. Ici, l’ambiance de Blade Runner est incroyable et incomparable. Voir de la Science Fiction aussi Dark, aussi obscure, aussi violente est si rare, et encore plus rare aujourd’hui. Une ambiance qui s’accompagne d’une bande originale irréelle de Vangelis.
Ridley Scott propose un nombre incalculable de scène d’anthologie. La scène d’ouverture, la rencontre avec Rachel, la poursuite de Zohra, la rencontre entre la création et le créateur, la tension sexuelle entre Deckard et Rachel et tant d’autres. Si Blade Runner est un chef d’œuvre c’est parce que chaque scène est réalisée avec du sens et l’envie d’enfoncer encore un peu plus le spectateur dans cette noirceur. En témoigne les jeux de lumière qui sont constant.


Blade Runner est un chef d’œuvre de la Science Fiction. Un Thriller de référence composé d’un romantisme absolu. Rempli de violence et d’amour, Blade Runner ne se regarde pas. Il demande plus, de l’attention, de la réflexion. Ce n’est pas un film simple que l’on regarde pour « se vider de la tête ». Il faut vivre Blade Runner comme il faut vivre Orange Mécanique pour l’apprécier. C’est l’apanage des grands films. C'est ce qui fait la différence entre un film et LE film.


Une fois le film terminée, la fuite de Deckard et Rachel étant inéluctable, ce second rendez-vous sonne comme une réussite. Blade Runner rejoint mon modeste panthéon. Pas le Panthéon de la Science Fiction, le Panthéon tout court. Car si Blade Runner est si parfait, c’est parce qu’il réalise un fabuleux grand chelem : ambiance, casting, image et son. Tout est réussi de la première à la dernière seconde. Blade Runner est certainement le film le plus maitrisé de Ridley Scott, le film où le réalisateur a pu étanché sa soif de noirceur, de créativité et d’inventivité. Visuellement le film est un chef d’œuvre qui se place parmi les plus beaux de la Science Fiction. Blade Runner peut regarder de haut de nombreux films de science fiction actuels. Blade Runner peut gonfler le torse, si tant est qu’il en ait réellement besoin, et affirmer sa place de Référence.


D'ailleurs, « Dommage qu’elle doive mourir, mais c’est notre lot à tous » conclut Olmos…mais de quel « tous » parle-t-il ?


Cette critique fait partie du duo de critique que j'ai tenté de rédiger sur l'univers Blade Runner. Pour la critique de Blade Runner 2049, c'est ici.

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le 15 oct. 2017

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Halifax

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