Comment faire une critique objective de ce film ? La première chose qui m'a frappée en voyant Blade Runner, c'est qu'il est beau. Ne dit-on pas que la beauté est subjective ? Et pourtant il y a quelque chose d'universel dans cette oeuvre.


Chaque plan, chaque scène, chaque jeu de lumières, chaque son, chaque atmosphère sonore, tout est beau. La première scène, que j'ai vue pour la première fois sans savoir que Vangelis avait composé la musique, m'a marquée à jamais. On nous balance un paysage d'une ville moderne et gigantesque, sombre, du feu, des vaisseaux spatiaux ... et la musique se fait toute petite, mélancolique, méditative, et déjà on sent qu'il va se passer quelque chose dans ce film.


Les acteurs sont beaux, graves, tristes dans ce monde au bord du gouffre, d'Harrison Ford aux personnages qui apparaissent 2 minutes en passant par la magistrale Sean Young et les seconds couteaux comme Gaff qui sème ses origamis et sa présence mystérieuse tout au long de l'histoire. Le seul bémol du film à mon goût est la première scène d'amour entre Deckard et Rachael, car Rachael ne semble pas vraiment consentante et malgré les nuances apportées par le scénario cela m'a un peu dérangée.


Les lumières, les couleurs sont tellement travaillées qu'elles mériteraient un musée, les néons, les reflets, la pluie qui se confondent en un brouillard gris teinté de pastel, le travail sur l'image est tellement hallucinant qu'il renvoie Wong Kar-Wai au rang de stagiaire de 3ème.


L'atmosphère, ce mélange de grattes-ciel vides, bric-à-brac, culture asiatique, électronique, appartements avec moulures, déchets, compose un ensemble à la fois poétique et immersif qui parfois l'emporte sur les héros qui y évoluent, comme l'appartement de Sebastian ou celui de Deckard. Chaque centimètre carré semble avoir été étudié pour un tableau, et comme ce dernier, le film ne vieillit pas.


Et enfin, le scénario. Ce n'est pas le genre de déroulement coup-de-poing qui nous met face à face avec les paradoxes de l'humanité, de la technologie. Non, c'est une histoire remplie de mystère, qu'on comprend par bribes, comme en regardant un tableau. Il y a bien sûr le schéma "initial", celui qui se déroule sous nos yeux, Deckard à la poursuite des androïdes qu'il est chargé de "retirer", mais très vite on comprend que l'oeuvre a différents degrés de lecture. Pourquoi n'ont-ils pas le droit de vivre alors qu'ils sont quasiment humains ? Est-ce que les hommes valent mieux qu'eux, alors qu'ils les exploitent comme esclaves, jouent avec leur mort et leur vie, s'ennuient sur leur planète morose et ne vont nulle part ? Ils ont créé les robots, leur vie, leurs souvenirs, qui n'en sont en fait pas, mais qu'est-ce que ça change ? Si l'on était un androïde, comment le savoir ? Est-ce que nous (spectateurs) fonçons tête baissée vers une situation similaire ? Tant de questions auxquelles le film ne répond pas, mais nous laisse nous interroger.


La fin est magnifique. Un speech par un androïde qui a tant vécu, quasi improvisé par Rutger Hauer, qui me met les larmes aux yeux à chaque visionnage, et résume parfaitement les 2 heures de pellicule qui viennent de se dérouler devant nous : tout est tellement beau, juste, qu'on pourrait le contempler pendant une vie entière, en espérant ne jamais résoudre le mystère qui donne à Blade Runner son caractère de mythe.

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le 22 juil. 2016

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Veganfox

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