Dur dur de passer après un monument du septième art...
Blade Runner 2049 est assurément une oeuvre atypique dans un cinéma US devenu trop consensuel et globalement ultra normé.
Il s'inscrit surtout dans une continuité, en reprenant là où l'illustre ainé Blade Runner s'était arrêté, à grand coups de synthés Vangelissiens.
Pour autant, en a-t-il la portée ?


D'un point de vue réalisation, définitivement, oui.
Au premier abord, on est tout de suite saisi par l'ambiance. On retrouve vite ses marques, rien ne cloche.
Ryan Gosling, toujours aussi charismatique, prend la succession d'Harisson Ford sans pertes ni fracas et mène la danse dans la même optique.
Dialogues minimalistes, plans recherchés... Tout s'inscrit dans une recherche visuelle de haut vol, et ça fait bien plaisir.
Les décors par exemple, très soignés, reprennent parfaitement la dystopie crade et poisseuse décrite par K. Dick dans "Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques", tout en assurant la continuité du Blade Runner de Ridley Scott.

J'irais même plus loin en disant qu'il ne s'attaque pas frontalement avec le style de Scott, car même si on retrouve de nombreuses séquences assez contemplatives, on ne joue jamais sur le même terrain... C'en est d'ailleurs assez troublant.
J'aime donc autant la prise de risque que le talent de mise en scène.


Pour être plus précis, les magnifiques plans extérieurs de Scott, qui ont sans doute contribué à la légende; ne sont jamais copiés, mais contournés avec adresse.
Pas de scène du balcon détournée. Pas de Voight - Kampf et d'interrogatoires tortueux.
Non.
On se focalise sur un Replicant en particulier plutôt qu'un centrage sur les Blade Runners. Une inversion des genres assez soft à défaut d'être originale, mais peut être la marque subtile de la prise en main de Villeneuve.
Il propose de s'exporter la plupart du temps en dehors des villes, loin du terrain de jeu de Deckard et du regard critique des fans de la première heure, pour se recentrer sur sa vision.
De fait, on ne peut qu'apprécier le choix de l'auteur.
Un choix qui s'inscrit d'ailleurs toujours dans une esthétique léchée mais fidèle, parsemée de multiples clins d'oeil à l'oeuvre originale.
Les plans aériens, les dialogues brefs, les jeux d'ombres et de lumières, jusqu'aux plans avec les animaux, clés de voûtes subtils de l'intrigue de K. Dick.
L'ambiance sonore, très justement qualifiée ainsi par ma partenaire de séance, reste élégamment dans le ton du set de Vangélis sans dissoner, et renforce brillamment la plupart des scènes marquantes.
Son absence est enfin tout autant appréciable.


La technique d'une manière générale est irréprochable.


Chaque scène est un régal pour les yeux, offrant au spectateur de purs moments de jubilation grâce à des cadrages millimétrés, et à une lumière qui tient effectivement de la maestria.


* Attention Spoilers *


Voilà pour la forme.
Inutile de le cacher, c'est plutôt le fond qui me laisse sur ma faim.
De l'intrigue de K. Dick, il ne reste malheureusement plus grand chose, autant q'un point de vue satire sociale que d'enquête policière.
Les second rôles sont largement sous-exploités, qu'on parle du Lieutenant Joshi, (Robin Wright) de l'androïde Mariette (Mackenzie Davis)
Pire: les antagonistes sont à mon sens assez insipides et tombent même comme un cheveux sur la soupe dans le cas de Jared Leto et de son Niander Wallace.
Le grand monologue de la fin ou la naissance du cyborg n'apportent pas forcément grand chose à part les clins d'oeil...
Même si je dois avouer qu'une référence à Mamoru Oshii passe toujours bien.
Seul Dave Bautista s'en sort bien avec la rencontre de Saper Morton et de l'officier K, qui laisse une grande liberté d'interprétation au spectateur tout en lui offrant un moment de cinéma d'une rare excellence.
L'intrigue en elle même est assez creuse, tout tournant autour de la fécondité improbable des cyborgs, à mi-chemin entre Jurassik Park et les Fils de l'homme, dont on reprend l'idée sans forcément la grandeur du scénario.
Vraiment dommage, car si l'aspect visuel est d'une qualité trop rare aujourd'hui, il manque vraiment l'intensité dramatique qui vous ronge les tripes entre deux évolutions de l'enquête.
Sans dire que l'on s'ennuie, on reste un peu pantois devant les rebondissements de l'histoire.


Je ne suis donc pas dépaysé.
Rassuré par le soin apporté par Villeneuve pour coller à l'ambiance si particulière du premier opus et donc par l'exercice de style plutôt réussi pour coller à un tel morceau de cinéma.
J'aime tout autant voir avec quelle régularitéil nous propose de vrais bons moments devant la grande toile.
Son savoir faire ne se dément pas, tout en se payant le luxe de s'écarter des standards Hollywoodiens.
Par contre je regrette que le scénario soit aussi limité, et aussi convenu. Sans dire que rien ne fonctionne, je n'ai jamais été réellement impliqué dans l'intrigue.
C'est ce que je redoutais.
Mais comment ne pas être déçu en passant derrière une adaptation d'un des meilleurs auteurs de polars / science-fiction ?
Comme à chaque fois que le cas se présente, on ne peut pas être naïf au point de ne pas voir la promesse probable de gains élevés derrière le financement d'un tel projet.
Je suis en tout cas heureux de voir que pour une fois les producteurs exécutifs ont laissé un minimum de lattitude à un réalisateur talentueux, et que l'oeuvre de départ n'a pas été massacrée à la sarpette.

amjj88
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 14 oct. 2017

Critique lue 343 fois

4 j'aime

amjj88

Écrit par

Critique lue 343 fois

4

D'autres avis sur Blade Runner 2049

Blade Runner 2049
Djack-le-Flemmard
5

Blade Ruinneur

Denis Villeneuve est un metteur en scène qu'on apprécie. Sicario, Enemy, Premier Contact... la plupart de ses œuvres sont puissantes, et on sait le bonhomme capable de mettre une beauté plastique...

le 4 oct. 2017

209 j'aime

40

Blade Runner 2049
Chaosmos
9

Simulacres et simulation

Pourquoi Blade Runner 2049 ? Cette question se posait à l'annonce d'une suite aussi intrigante qu'inquiétante et force est de constater qu'elle se pose encore aujourd'hui. La nouvelle création de...

le 5 oct. 2017

161 j'aime

32

Blade Runner 2049
Behind_the_Mask
9

Solitudes hémorragiques

Pour ne pas être seul, on se réfugie dans une mégalopole techno. On vit les uns sur les autres dans des cités dortoirs. Et personne ne se connaît. Et les rues sont remplies, de gens qui baissent la...

le 4 oct. 2017

154 j'aime

35

Du même critique

Grave
amjj88
4

Gravement déçu ?

Voilà donc le fameux Grave, véritable bête de festival et détenteur pour le coup du combo Grand prix et prix de la Critique du Festival du film Fantastique de Gérardmer 2017. Belle performance en...

le 30 janv. 2017

81 j'aime

5

Vampires en toute intimité
amjj88
9

Restez jusqu'à la fin !

ALERTE SALUBRITÉ INTELLECTUELLE: NE REGARDEZ-PAS CET EXCELLENT FILM EN VERSION FRANÇAISE ! Cette critique a été réalisée sur la VO Ça faisait longtemps que je n'avais pas autant rigolé, toutes...

le 25 janv. 2015

38 j'aime

4

Mister Babadook
amjj88
9

Voilà la claque attendue à Fantastic'arts 2014 !

Franchement je n'y croyais plus. Après deux jours passés à tomber de carybde sur scylla, avec une ou deux surprises agréables, mais pas inoubliables non plus, il me manquait LE film du festival de...

le 20 févr. 2014

34 j'aime

22