Blade Ruinneur
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La beauté formelle est dangereuse pour un film, qui plus est de science-fiction. Autant en poésie, elle porte le sens, ne fait qu’un avec lui, autant le film peut la rendre vaine et trompeuse.
C’est le cas du Blade Runner de Villeneuve. Film d’une beauté indéniable. Le travail sur la lumière, ocre, grise, brumeuse, les décors envoûtants, de la ville tentaculaire aux décharges monstrueuses en passant par l’industrie désaffectée où en a rendu des enfants esclaves aux superbes épures plongées dans des reflets liquides, tout est parfait. La musique minimaliste, jusqu’à n’être plus que bruit, grinçant, lancinant, offre une idée de l’osmose parfaite entre l’image et le son. Que peut-on demander de plus réussi au cinéma ?
Et bien peut-être l’expression d’une pensée qui sorte des poncifs. On ne peut faire du grand art, maîtriser l’image, le son,le rythme, les références cinéphiles et même faire de l’humour ( convier Elvis Presley en hologramme lors d’une lutte par avance perdue contre le « père » Harrison Ford) sans aller aussi loin dans la pensée, quitte à ménager un peu le grand public pour rentrer dans son investissement.
Alors certes il y a des idées. Les humains dégénérés qui jouent avec la vie, comme ce créateur prométhéen de réplicants, aveugle mais voyant à travers des robots connectés à son cerveau, et s’enfermant dans un monde aussi déhumanisé, liquide et froid que son âme, la civilisation mourant lentement sous des tonnes de déchets, les villes prisons où on n’a jamais vu un arbre, ni même du bois, les hologrammes ayant remplacé la réalité, l’innocence bafouée pour produire au profit de quelques privilégiés, tout cela est bien pensé. De même, et c’est peut-être le plus intéressant du film, ce réplicant qui devient humain par amour et parce qu’il a cru un moment être plus qu’un simple robot. L’humain se définissant ainsi par la croyance…
Oui mais là où le bât blesse et où s’écroule toute la belle architecture, c’est dans cette vision passéiste, machiste et en un mot ridicule des personnages féminins.
La figure féminine qui inspire l’amour est une création informatique. Sorte de bobonne hologrammique toute jolie, à grande bouche pulpeuse, au service des moindres désirs de son homme, passant de la soubrette ménagère de moins de 50 ans ( certes, là il y a du recul) à la nunuche en admiration devant son dieu qu’elle trouve unique – et il aime ça, le bougre… ( malheureusement, là il n’y a pas de recul…) sans oublier qu’elle est aussi une superbe amante doublée d’une prostituée ( !) ; enfin, c’est un produit tellement réussi qu’elle inspire un amour véritable et lacrymal à son réplicant de mari. Il faut dire qu’il peut la transporter partout dans ses bagages dans une clef usb, plus pratique et maniable qu’une vraie femme quand même ! Les autres figures féminines sont soit une humaine, patronne tyrannique et revêche du gentil réplicant, ayant toujours un verre à la main , ou la méchante ++ à la beauté froide, réplicante déterminée à étouffer la naissance de l’humain dans la machine, tueuse, catcheuse, kunfouteuse , et tout ça en tailleur impeccable et talons aiguilles ou combinaison ceintrée. Le seul personnage féminin moins caricatural est celui de la fille créatrice de rêves, mais problème : elle est enfermée dans une bulle, obligée de se créer un univers imaginaire et les hommes ne peuvent que la regarder à travers sa vitre, c’est bête.
No futur en 2049, mesdames, pour les femmes vues par les hommes…
Ou comment un beau film peut tomber dans la médiocrité faute d’avoir été inspiré, travaillé ou au minimum supervisé par une femme…
Créée
le 23 sept. 2018
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