Contrairement à ce que peut laisser penser la tagline de l'affiche, Blanche-Neige et le Chasseur n'a quasiment rien en commun avec le ratage intersidéral du Alice de Tim Burton et c'est heureux. La mode à Hollywood - en gros manque d'inspiration comme on nous le répète à l'envi - est à la réactualisation de contes et légendes pour la génération Twilight. On "attend" d'ailleurs une Belle au Bois Dormant avec Angelina Jolie en Reine Démoniaque.
Blanche-Neige et le Chasseur, premier film de Rupert Sanders, prend plutôt le problème dans le bon sens. Loin des transpositions dans l'ère moderne (A tout Jamais avec Drew Barrymore), ou de la distanciation un peu vaine (le récent Mirror, Mirror de l'iconoclaste Tarsem Singh), ce Blanche-Neige opte pour un angle très Seigneur des Anneaux. La fiction Jacksonienne part d'un sérieux quasi religieux quand il s'agit de porter sur écran les grands mythes modernes. Tolkien ou Cooper & Schoedsack ont beneficié d'un traitement biblique, consciencieux dans les ecarts par rapport à l'oeuvre originale. Le Grand Récit s'accommode de l'infidélité et les nuances enrichissent un mythe. Le perpétuent. Il suffit d'énumérer les nuances entre l'Evangile selon Saint-Matthieu de Pasolini et le Roi des Rois de Nicholas Ray pour s'en convaincre. Le film s'approprie très tôt cette philosophie. On y découvre lors des cinq premières minutes, une Blanche-Neige balançant mine de rien un "Je Vous Salue, Marie" dans sa geole. Une Belle étrangeté anachronique.
C'est par la force de ce premier degré que Rupert Sanders étale sur l'écran une chanson de geste plutôt correcte et bien exécutée. Le metteur en scène connaît bien son Gustave Doré. Ce bon point philosophique ne sauvera malheureusement pas le film de ses scories. Si Jackson savait couper dans le gras (Tom Bombadil, la Bataille de la Comté), Blanche-Neige, elle, ne fera pas l'impasse sur les Sept Nains, bandits de grand chemin un peu lourdauds, heureusement portés par une enfilade de brillants seconds couteaux britanniques comme Ray Winston ou Nick Frost. L'ambition du film, quant à elle, est certes louable mais ne peut s'exprimer qu'au sein d'une durée maousse. Quand Blanche-Neige passe du mythe de la caverne à illuminée sanguinaire façon Jeanne d'Arc en 72 heures max, on a un peu de mal à y croire. Beau coup d'essai, cependant, que ce premier film qui ne s'illustre pas vraiment par sa maîtrise mais plutôt par son très bon goût.