Bryan Singer semble être meilleur réalisateur de biopic que de films de super-héros. Il a réussi avec brio à retranscrire la carrière musicale de Freddy Mercury, ainsi que les émotions qui se découlent lors de l'écoute et du visionnage des chansons et lives du groupe Queen (le film se finissant sur le groupe à son sommet lors du Live Aid de 1985).



Seuls défauts du biopic à proprement parler selon moi :




  • Étant donné le nombre incroyable de chansons et compositions de
    Freddy Mercury, Brian May, Roger Taylor, et John Deacon, le biopic
    est obligé de passer à côté de certains succès ou de certaines de
    chansons moins connues mais tout aussi anecdotiques
    (quid de Seven
    Seas of Rhye
    , Stone Cold Crazy, Play the Game, Body
    Language
    - une des chansons les plus "ridicules" du groupe qui avait
    aussi fait jaser -, ou même des chansons solos de Freddie décriées mais peu présentées et j'en passe ?)

  • C'est pas vraiment original, le film prenant presque le même chemin
    que le biopic sur Jim Morrisson (The Doors) :
    on s'intéresse
    avant tout au chanteur, on défonce un peu sa réputation déjà
    défoncée, puis rédemption et tout, mais on ignore quasiment ceux des
    autres membres du groupe.

  • J'en profite pour rajouter que j'avais vu avant un documentaire sur Freddie
    Mercury,
    avec images et vidéos d'archives de la part des proches du
    chanteur (inclus des interviews de Roger Taylor, Brian May et Jim
    Hutton - dernier compagnon de Mercury) + sa page Wikipédia + un livre
    anthologique détaillé sur la vie et l'oeuvre des membres de Queen. Du
    coup, j'ai pas appris grand chose, mais je reste satisfait du point
    de vue de l'auteur, malgré quelques points qui semblent
    contradictoires :


Le film et Paul Prenter, ex-assistant et ex-amant de Freddie, disent qu'il a attrapé le sida à force de coucher avec plusieurs hommes, tandis que Jim Hutton pleurait comme si c'était lui qui l'avait refilé dans le documentaire. Mais c'est peut-être moi qui a mal compris les propos de Jim.


Et le film Bohemian Rhapsody présente Brian et Roger comme super clean et refusant de participer aux "orgies" de Freddie - tandis que le documentaire et même Brian, Roger et le livre biographique sur Queen disent qu'ils aimaient tous les deux bien voir des femmes à moitié dénudées et sniffer de la drogue.


Beaucoup de détracteurs du biopic avant sa sortie reprochaient déjà ce risque de cacher les "erreurs de jeunesse" des autres membres de Queen pour se concentrer trop sur ceux du chanteur. Et le visionnage du film peut leur donner raison.


Pour le reste, le film est excellent ;



Pourquoi voir Bohemian Rhapsody :




  • Rami Malek campe un Freddie Mercury physiquement et professionnellement supérieur à celui prévu par Sacha Baron Cohen
    (oui, monsieur !) C'est vrai que les 1ères images de Malek en Freddie
    étaient décourageantes car elles étaient prises sous de mauvais
    angles. Mais Malek est très crédible durant tout le film, imitant
    bien la mâchoire très avancée de Mercury puis son look de "nouveau
    clone" gay.


"Mais Darevenin ! Le film fait de Freddie une grande folle fêtarde faisant trop la fête, chopant le sida comme un con, et imbu de lui-même ! Ça peut pas être le vrai Freddie, ouin ouin bouh-ouh !" → Désolé de vous décevoir, les gars, mais les archives et documentaires sont formels : Freddie Mercury faisait bien souvent la fête, s'est brouillé 2-3 fois avec le groupe (au point de risquer la séparation), et a attrapé le sida comme beaucoup de personnes tant homos qu'hétéros car dans les années 1980, l'usage de la capote n'était pas très répandu et les gens étaient encore très mal informés sur les MST.



  • D'ailleurs, le film ne cède pas vraiment ni au politiquement correct
    ni à l'homophobie, car il a compris qu'on ne doit juger les gens qu'à
    leurs actions (bonnes comme mauvaises) et à leur talent, pas à leur
    sexualité ou leurs origines.
    Il présente même les homosexuels (dont
    Freddie) comme les premières victimes du sida, ne criera jamais au
    châtiment mérité.

  • Pour ce qui est de la description des persos, c'est assez "scolaire"
    et drôle. On rigole des chamailleries au sein du groupe (Roger Taylor
    ridiculisé pour son I'm In Love With My Car, que j'aime bien
    perso) ou même des producteurs avides qui refusent de diffuser
    Bohemian Rhapsody au prétexte que c'est "trop long" ou "abstrait" → et ben, comme disait Malek/Mercury :



Je plains ta femme si tu trouves que 6 minutes, c'est trop long !




  • On apprend quand même quelques trucs, notamment le premier nom de
    Freddie Mercury (Farrokh Bulsara), son premier job, le premier groupe
    de Brian et Roger (Smile avec la chanson Doing All Right), le
    fait que c'est John Deacon qui a écrit Another One Bites The Dust
    ou que c'était Roger qui a eu l'idée de travestir les membres de
    Queen dans le clip de I Want To Break Free.

  • Autre exemple → je pensais que Freddie n'avait eu que deux amours
    dans sa vie (hormis la musique) : Mary Austin (dont il est restée
    super pote avec et pour laquelle il a écrit Love of My Life) et Jim
    Hutton. J'ai été surpris d'apprendre qu'il avait été aussi amant avec
    Paul Prenter et que ce dernier était un manipulateur (mais le film reste nuancé à son sujet).

  • L’œuvre et le ressenti autour des oeuvres de Queen est bien
    retransmis dans ce film, montrant le groupe comme voulant que leurs
    chansons soient reprises voire réappropriées par tout le monde. C'est
    notamment ce qu'on voit avec la partie de Queen lors du Live
    Aid
    , qui retranscrit l'intégralité de la participation du groupe
    lors de ce concert caritatif géant.
    Et certaines chansons anciennes de Queen créées dans les années 70 prennent alors un nouveau contexte et un nouveau sens, compte-tenu de la séropositivité de Freddie et de ses malheurs. Exemple avec We Are The Champions :



I've paid my dues /
Time after time /
I've done my sentence /
But committed no crime /
And bad mistakes /
I've made a few /
I've had my share of sand /
Kicked in my face /
But I've come through /
And we mean to go on and on and on and on♫ /



We are the champions, my friends



→ Freddie fait amende honorable avec cette chanson, faisant référence à ses absences de précaution et à ses mauvaises humeurs vis-à-vis de son groupe. Mais on retiendra aussi ça :


Tout le monde dans la salle a adoré le moment où le groupe chante ♫No time for losers♫ en montrant le producteur qui avait refusé de diffuser Bohemian Rhapsody en 1975 et qui s'est senti tout con depuis.



  • Finir cette partie peut sembler une idée bizarre, mais en même temps
    on ne peut pas résumer tout Queen en 2h et quelques. Dommage,
    j'aurais bien aimé voir l'avis du groupe lors de sa participation aux
    B.O. des films Flash Gordon et Highlander


Mais on aurait eu une redite du speech du film ou des canons hollywoodiens de biopics de groupes de musique (fondation → œuvres majeures → embrouilles → travers → tristesse → introspection → rédemption → retour glorieux ou mort du leader).


La rhapsodie bohémienne finit donc sur un rappel bref de la mort de Freddie, sur Don't Stop Me Now et sur cette chanson message : The Show Must Go On. Car le spectacle doit continuer malgré tout, malgré la mort de "l'homme du spectacle" qu'était Mercury.


En tout cas, le résultat reste assez fidèle à la réalité, et arrive à satisfaire l'âme des fans et du groupe. Bohemian Rhapsody te prend par les sentiments et décrit bien les hauts et bas du Mercure réincarné en dieu du Rock.


Bryan Singer montre que le groupe Queen méritait de dire haut et fort :



Here we are, we're the Princes of the Universe


darevenin
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le 2 nov. 2018

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