Le degré 0 du biopic. Une œuvre totalement désincarnée malgré les efforts notables de Rami Malek pour garder son dentier en place. Aucun angle n’est choisi, aucun risque n’est pris. Qu’on aime ou pas Queen, on parle quand même de Freddie Mercury, une des plus grandes rockstars au monde et Singer ne s’autorise pas le moindre écart dans son traitement d’une platitude à toute épreuve. C’est lisse et froid. Il se contente de cocher les cases du fan service avec un marteau et un burin.


Une des scènes assez éloquente sur le manque d’inspiration des scénaristes et de la réa est la suivante : Freddie Mercury sort de sa maison de campagne en fumant une clope, il réfléchit 10 secondes... et hop, il sort Bohemian Rhapsody dans la scène suivante... Quelle réflexion sur la création, quelle portée symbolique ! Tout le film est comme ça. Tout s’enchaîne sans la moindre inventivité et sans le moindre enjeu. Si au moins c’était drôle... (il y a juste la transition avec la poule qui fait Gallileo qui m’a prit de court !)


Car il ne faut pas s’y méprendre, les frissons que les spectateurs ont ressenti ne sont dûs qu'à la musique fédératrice et envoûtante de Queen. Oui le Live Aid est plutôt impressionnant en terme de reconstitution, mais on ne retrouve absolument pas l’énergie moite et épique du véritable concert. Vinyl parvenait tellement mieux à retranscrire la beauté chaotique de l’âge d’or du rock...


Freddie Mercury parle dans une séquence de ses ambitions de créer un album rock à l’échelle d’un opéra, quelque chose de baroque et shakespearien, et le plus grand paradoxe du film est d’être à l’extrême opposé de cette ampleur... Un Baz Luhrmann n’aurait-il pas été bien plus pertinent pour être aux commandes de cette entreprise ?


Et quitte à aborder chaque étape de la vie de Freddie Mercury, pourquoi ne pas l’avoir montré enfant à Zanzibar ? Voir ce petit garçon que rien ne prédestinait à une vie d’icône du rock aurait été touchant. On se contente de suivre un homme déjà présomptueux, qui gravit les échelons sans la moindre peine... et qui s’embrouille avec ses collègues pour des histoires d’album solo... comme tous les groupes qui ont eu du succès en fait. Queen était-il un groupe si ennuyant ? J’en doute.


La sexualité du chanteur est également abordée mollement à travers des relations dénuées d’intérêt. Sa femme Mary Austin se contente de regarder l’épanouissement de son mari d’un œil inquiet, et le petit copain qui manigance dans son dos, il est juste vraiment... très très méchant !


Brian May et Roger Taylor en producteurs exécutifs, ça n’a pas dû aider. A l’image de Straight Outta Compton, qui était chapeauté par Dre et qui esquivait les sujets qui fâchent. Au moins ce dernier film dépeignait un contexte social tellement mouvementé qu’il avait forcément un minimum de choses à dire.


Enfin bon je dis ça mais le film est un carton plein et il est probable que s’il avait eu un peu plus de couilles, ça n’aurait pas ramené autant de quinquas nostalgiques. Le rock n’est pas mort, mais il ne subsiste que derrière la vitre triple épaisseur d’un musée bien propret.

hotshort
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le 30 janv. 2019

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