Tourné avec le budget PQ d'une production Marvel (1,8 millions de dollars autant dire rien, dans la production actuelle), Bone Tomahawk était un projet sacrément intriguant de par son sujet (un western sur fond de cannibalisme), son casting de malade (Kurt Russel, Patrick Wilson, Matthew Fox, Kathryn Morris, Lili Simmons, Richard Jenkins, David Arquette...ouf ! ) et la personnalité de son metteur en scène Craig Zahler, obscur scénariste qui jouit pourtant d'une petite notoriété dans le milieu (il a écrit plusieurs romans primés et un script placé sur la fameuse "blacklist" des meilleurs scénarios jamais tournés).


Le caractère "ovniesque" du métrage est confirmé dès les premières minutes qui viennent illustrer le paradoxe au coeur de sa fabrication : Bone Tomahawk est bien une oeuvre fauchée, shootée en 21 jours (!) dans un coin paumé de californie mais Zahler déploie des trésors d'inventivité pour compenser son manque de moyen et ça marche !
En effet, le metteur en scène s'appui d'abord sur sa maîtrise du cadre et sur la gestion de l'espace pour rendre justice aux genres qu'il investit. Ainsi, on est impressionné par la manière dont il parvient à rendre un paysage chiant comme les blés (des collines, des collines...encore des collines) inquiétant et à sublimer ses personnages de cowboys, tous superbement crédibles.
Il faut dire qu'il a sa disposition de sacrés interprètes, habités par leurs rôles et dont l'adhésion totale à un projet aussi atypique force le respect ! Ils viennent par ailleurs transcender un script qui fait la part belle aux personnages, grâce à des dialogues ciselés et à une caractérisation qui oscille entre respect du genre ( les protagonistes brillamment campés par Russel et Matthew Fox) et iconoclastie (l'assistant shérif débonnaire et le cow-boy éclopé joués par les formidables Richard Jenkins et Patrick Wilson).
La qualité de l'écriture et de l'interprétation permettent de faire passer le ventre mou du film (40 bonnes minutes de poursuite où il ne se passe pas grand chose) et de préparer son basculement dans l'horreur pure lors d'un dernier tiers tétanisant. En effet, à l'épouvante emprunte de mysticisme du génial Vorace (un chef d'oeuvre qui donnait aussi dans le western sur fond anthropophagie), Zahler préfère le gore qui tâche avec ses troglodytes tout droits sortis d'un bis italien. A ce titre, le cinéaste se lâche totalement lors d'une scène de démembrement d'une sauvagerie rarement vue sur grand écran et d'autant plus marquante que le film jouait jusque là la carte de la suggestion et du hors-champ.


A l'arrivée, le film de Craig Zahler est un petit exploit qui réussit à concilier harmonieusement à western et son film d'horreur car il y a bien deux oeuvres en une dans Bone Tomahawk. Le résultat de ce mariage surprenant transpire tellement l'amour du genre qu'on pardonnera volontiers les longueurs et la platitude de la production artistique (Et encore ! Pour moins de deux millions, ça a de la gueule !).
Le jury du festival de Gerardmer ne s'y est d'ailleurs pas trompé en lui filant le grand prix mais cela les distributeurs n'en ont rien à foutre vu qu'à l'heure qu'il est, Bone Tomahawk n'est toujours pas annoncé chez nous ni au cinoche ni en DVD.... et après, les mêmes vont gueuler contre le piratage...

Diego290288
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le 22 févr. 2016

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Diego290288

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