Au départ c’est une banale journée de colle pour nos cinq trublions. Le jour se lève dans un lycée dont on ne voit pas grand-chose sinon son enceinte et quelques couloirs accueillant l’arrivée des cinq punis, en voiture ou à pied. Les parents si on les aperçoit ne sont que des pantins figurants.

Auparavant le film aura débuté par une curieuse voix off de l’un des élèves en question, semble-t-il, synthétisant brièvement sur la valeur de cette punition et ce qu’elle engage comme réflexion collective. Nous n’apprendrons qu’au terme du film qu’il s’agit en fait de la dissertation groupée prise en main ce jour-là par Brian, le cerveau (son prénom est déjà une anagramme) comme il est vite catalogué par élèves et professeurs. Intello dirait-on chez nous.

Rien ne laisse pourtant présager cet élan collectif final. C’est toute la subtile beauté du film de John Hugues d’avoir créé cette bulle d’amitié improbable par l’entreprise de cette journée de colle tandis que rien ne semble à priori rapprocher les cinq adolescents perturbés.

The breakfast club joue sur une double dynamique de rapprochement. La libération par l’espace, occasionnant l’émancipation corporelle. Puis le confinement, générant la réunion spirituelle. Afin que les discussions ne tournent plus autour d’un flot d’insultes, de méchanceté gratuite ou d’indifférence il faut briser le cadre, gicler de cette pièce géante, spatialement déstructurée – avec ses murs, ses étages et ses espaces blancs – et tisser une toile indécise mais séduisante à travers les couloirs. C’est une première ouverture. Au moment où le proviseur s’en va se faire couler un café.

A se lancer dans cette partie de cache-cache, le groupe se forme, tout du moins les dissensions de bas étage se dispersent, s’effacent. Cette solidarité en germe se confirmera plus tard lorsque l’un d’eux pourrait être balancé mais qu’ils n’en font rien. Le film s’amuse alors de ses transitions : pause repas jubilatoire, trêve fumette et défouloir dansant. On se cherche toujours mais avec beaucoup plus de jeu que de méchanceté.

Puis le film bascule le temps d’une longue séquence, discussion à cinq absolument bouleversante, en cercle, pendant dix-sept minutes. Où chacun avoue tour à tour certaines de ses faiblesses et/ou le pourquoi de sa présence ici ce jour. La mise en scène utilise trois régimes de plans durant cette séquence phare : serrés, isolant les visages pour parfaire les individualités ; larges, d’ensemble, toujours le même par ailleurs où les postures de chacun créent une forme de bulle corporelle idéale ; travellings glissés autour de la bulle dès l’instant que l’un d’eux se confie plus longuement. La séquence oscille sur plusieurs terrains émotionnels. Proche de l’implosion, entre rires groupés et larmes franches, chacun y parle de sa solitude, du gouffre générationnel qui les sépare de leurs parents, de la quête de perfection, de maltraitance, d’effet de groupe. Les parents ont beau être physiquement absents ils sont là partout, dans les évocations douloureuses de chacun. Ce sont les vrais méchants (dans l’ombre) du film. Vérités, extrapolations et mensonges se chevauchent pour ne laisser au final qu’un profond malaise général, entre la colère et le trouble mélancolique de la peur d’être ce que l’on ne veut pas devenir. The breakfast club donne envie d’être collé, de partager une punition de groupe. Le partage et la confession. Pour ne plus jamais être seul (Quand l’un évoque sa méchanceté pour que son père soit fier de ne pas avoir un looser de fils, l’autre a la peur panique de rapporter un zéro à la maison, au point de penser mettre fin à ses jours).

Après une si puissante échappée dramatique le film retombe avec élégance dans une belle légèreté où le guide (the brain) s’en va conduire (la disserte pour cinq) les deux nouveaux couples d’amants improbables. Le film se clôt là-dessus, happy-end magnifique, sur un morceau de Simple Minds qui déjà ouvrait le film (et qui sera d’ailleurs repris en clin d’œil dans une comédie adolescente plus grasse quinze ans plus tard : American Pie) comme pour y accentuer son cachet irréel, son aspiration utopique.
JanosValuska
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le 3 janv. 2015

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