Je ne sais pas vraiment s'il s'agissait d'un film d'horreur ou d'un western. Brimstone m'a fait réaliser qu'un western sur la vie des femmes de l'époque − pas celles qui cherchent à s'émanciper comme dans True Grit ou dans les adaptations de la vie de Calamity Jane − tiens en fait du film d'horreur.


Liz est une sage-femme, une femme qui travaille pour les femmes, muette, qui exerce dans une de ces villes nouvelles qui fleurissent dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Le jour où un nouveau révérend arrive, Liz a l'impression de voir un fantôme. Elle qui se croyait un sécurité va devoir faire face à son passé.


On peut dire que le révérend sent le souffre, Brimstone donc, que Guy Pearce en fait quelqu'un d'inquiétant au possible et que, malgré la performance d'acteur, il s'agit de l'aspect le moins réussi du film. Au début il est flippant et distant, au milieu il est malsain, flippant et distant, et à la fin… Si la qualité d'un scénario ne se jugeait que sur son antagoniste, alors Brimstone ne tient pas complètement debout. Malgré son aura inquiétante, j'aurais rarement vu un homme du livre et des mots parler aussi peu, aussi mal, n'étant réduit qu'à une sorte de monolithe au pas lourd.


Et on peut dire l'inverse des personnages féminins. Dakota Fanning par exemple reste muette tout le premier chapitre, un des très nombreux exemples de femmes bâillonnée tout au long du film, et qui arrive à nous faire ressentir sa peur, son urgence, ses doutes. Y arrivent également Emilia Jones et Carice van Houten qui forme le duo central du troisième chapitre… Ce sont des femmes qui tentent de survivre, qui meurent souvent, voir pire. Liz est une guerrière nous dira-t-on, elle qui tente de se sortir de sa condition à plusieurs reprises.


Car je l'ai dit, ce qui m'a marqué est surtout la mise en avant du quotidien des femmes dans leurs rôles imposés : fille, épouses, mères ; prostituées quand elles doivent "travailler", même si rapidement il devient évident qu'à l'époque une des différences entre épouse et prostituée tient principalement dans le nombre de personne avec qui on a des rapports et le maître que l'on sert. Au bout de vingt minutes le fait est entendu de la bouche des hommes : la vie d'une femme ne vaut pas grand chose dans ce monde-là. Liz est une guerrière parce que c'est le seul personnage qui fuit la condition que les hommes autour d'elle lui imposent, parfois en passant par les pires épreuves physiques. Sage-femme, n'est-ce pas pour une femme mariée la possibilité de travailler, d'être autre chose que l'épouse muette et "sachant faire la cuisine" que son mari attendait ? 
SI taper sur le patriarcat reste un exercice rare dans un western, Brimstone le fait en montrant beaucoup de violence sur ses personnages féminins et en usant de certaines ficelles symboliques assez convenues. Le chapitrage reste un point étrange du film, chaque chapitre portant un nom biblique (sauf le dernier) et nous fait remonter un peu plus le temps comme le fil de la mémoire, mais cela rend parfois bancal des passages des chapitres précédents… Cela donne à Brimstone un côté artificiellement complexe même si cela permet de souffler un peu en faisant monter chaque segment narratif à des pics d'attention.


Reste la photographie et la composition de Martin Koolhoven pour faire passer les deux heure et demi de film, et elle est plutôt réussi, marquant bien le chapitrage par des identités visuelles fortes. C'est un western tourné hors-sol auquel on croit sans problème, avec une grande diversité de paysages et d'étendues vides.


Au final Brimstone est un film qui va chercher le choc et qui compense son intrigue peu complexe par un propos rare pour son genre. Il a de bons acteurs, mais un antagoniste qui peut décevoir, et tout le monde ne supportera pas ce film.

OrCrawn
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le 23 févr. 2017

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