Après quatorze ans sans tourner et un très dispensable Parfum de meurtre, Peter Bogdanovich revient à ce qu'il connait et sait de mieux, à savoir sa cinéphilie. Cet amoureux de l'âge d'or hollywoodien va puiser dans ses souvenirs, et notamment son amitié avec Howard Hawks, pour réaliser une screwball comedy, faite essentiellement de quiproquos, et aux personnages, surtout féminins, particulièrement affirmés.


Une jeune call girl va coucher avec un metteur en scène de théâtre, puis va réaliser qu'elle va passer une audition pour une pièce. Problème, elle va rencontrer à nouveau le metteur en scène, et va faire croire qu'elle ne le connait pas, alors que plein d'autres hommes tournent autour d'elle.
Dans ce genre de comédie, le mètre-étalon est souvent cité comme étant L'impossible monsieur bébé, avec Cary Grant et Katharine Hepburn. Le film de Bogdanovich a de cette énergie-là, avec les femmes qui mènent la danse, comme les géniales Kathryn Hahn ainsi que Jennifer Aniston qui vont à 100 à l'heure dans les dialogues, au détriment des hommes, montrés comme lâches, infidèles, ou menteurs. Les pauvres Owen Wilson ainsi que Rhys Ifans en prennent pour leur grade.


Le film est en fait un flashback de la jeune Imogen Poots, excellente, qui raconte son histoire à sa psy. Je pense que certains (jeunes) spectateurs pourraient être largués par les références tant elles sont nombreuses, tant on parle de divers films très anciens, d'acteurs qui le sont tout autant (avec une citation issue du film Les écumeurs, avec John Wayne et Randolph Scott !). On sent le réalisateur cinéphile, qui risque un peu de se couper de son audience, mais j'ai marché à fond. D'ailleurs, le modèle de cette jeune femme est Holly Golightly, incarnée par Audrey Hepburn dans le mythique Diamants sur canapé.


Le côté comédie du film est très réussi, avec plusieurs allusions, des quiproquos, et des ruptures de tons souvent hilarantes, totalement inattendues. J'ai adoré la scène où un chauffeur de taxi, excédé par la dispute entre Owen Wilson et sa femme, va quitter sa voiture, s'éloigner, puis partir en appelant un autre chauffeur de taxi, le tout en laissant le couple abasourdi !
Le sujet de l'histoire étant le théâtre, on a assez peu d'extérieurs, tout se passe dans des endroits confinés, comme des chambres d'hôtels. L'univers est assez clos, comme justement le veut souvent le screwball comedy.


Enfin, j'ai apprécié de voir en quelque sorte que Bogdanovich réalise un film en famille. Il écrit le film avec sa femme, sa fille produit, ses fils spirituels Noam Baumbach et Wes Anderson produisent également, son ami Owen Wilson joue le rôle principal, et on aperçoit (rapidement) deux figures majeures de son cinéma ; Cybill Sheperd et Tatum O'Neal. Dans tout ça, on sent l'envie sincère de bien faire, de rendre hommage à ce réalisateur qui a réalisé tant de grandes choses (La barbe à papa, un film magnifique) et qui a tant compté pour la cinéphilie avec ses entretiens avec des géants du cinéma.


Je conçois très bien que le film peut ne pas plaire, car il est bourré de références d'un autre temps, c'est un genre comique qu'on ne fait plus ; y a-t-il encore des réalisateurs d'aujourd'hui influencés par Ernst Lubitsch ? Je le cite car on voit un extrait de La belle ingénue qui donne le sens à l'expression squirrel to the nuts, qui revient très souvent dans le film.


Quant à la dernière scène du film, faisant intervenir un autre cinéphile très célèbre, mais dont je préfère laisser la surprise, c'est touchant comme si on assistait à un passage à témoin, d'autant plus que lui aussi laisse échapper plusieurs références. La sensation que pour eux, comme pour plein de cinéphiles, le cinéma est plus important que la vie...


Belle surprise donc que ce Broadway therapy (titre français stupide qui rappelle Woody Allen alors que ça n'a rien à voir), où j'ai beaucoup ri, d'un style comique un peu dépassé aujourd'hui.

Boubakar
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le 26 mai 2015

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